Dans le monde complexe de la géopolitique énergétique, un projet majeur fait couler beaucoup d’encre : le gazoduc Nigeria-Europe. Ce projet, d’une importance stratégique et économique considérable, suscite des interrogations quant à son itinéraire final, entre l’Algérie et le Maroc. Les déclarations contradictoires des autorités nigérianes laissent planer le doute quant à la route empruntée par ce gazoduc qui doit relier plusieurs pays africains à l’Europe.
Un Gazoduc d’Envergure
Le projet de gazoduc Nigeria-Europe est un ambitieux plan visant à transporter le gaz naturel nigérian vers l’Europe, avec le potentiel de répondre aux besoins énergétiques croissants du continent européen. Cependant, les incertitudes subsistent quant à la voie empruntée par ce gazoduc.
Le président de la Commission Transition Énergétique des 5+5, Abderrahmane Mebtoul, s’inquiète des changements fréquents de discours des responsables nigérians. Selon lui, « nous assistons, depuis des années, à des déclarations contradictoires de différents responsables du Nigeria concernant le gazoduc Nigeria-Europe, une fois c’est avec l’Algérie, une autre avec le Maroc. »
Le Nigeria Entre Deux Chaises
La dernière déclaration en date provient du ministre d’État nigérian de l’Énergie, Ekperikpe Ekpo, qui a annoncé que « les travaux des infrastructures du projet du gazoduc Nigeria-Maroc débuteront en 2024, suite à l’accord conclu avec les pays qui seront traversés par le pipeline. »
Pourtant, en septembre 2021, le ministre nigérian de l’Énergie avait déclaré que son pays avait commencé à mettre en œuvre la construction d’un gazoduc pour transporter du gaz vers l’Europe via l’Algérie, qui possède déjà trois canalisations opérationnelles.
L’Enjeu de la Rentabilité
Abderrahmane Mebtoul souligne que la rentabilité du projet Nigeria-Europe repose sur trois conditions cruciales. Tout d’abord, la mobilisation des financements internationaux, impliquant des groupes internationaux, est essentielle. Ensuite, la concurrence d’autres sources d’énergie, telles que les énergies renouvelables, l’hydrogène vert, et la concurrence internationale, influera sur la rentabilité du gazoduc.
Enfin, la sécurité est un facteur critique, car le gazoduc traversera plusieurs zones instables, mettant en danger sa viabilité. Les accords de sécurité avec certains pays seront indispensables pour garantir la sécurité de l’infrastructure.
Le Choix Crucial entre Algérie et Maroc
Le professeur Mebtoul met en avant la différence de coût entre les deux itinéraires potentiels du gazoduc. Selon une évaluation de la Commission européenne, la réalisation du gazoduc Nigeria-Algérie coûterait environ 20 milliards de dollars, pour une durée de réalisation de 5 ans. En comparaison, le gazoduc Nigeria-Maroc est estimé à environ 30 milliards de dollars, pour une durée de réalisation de 8 à 10 ans. De plus, le tracé par l’Algérie serait plus court de 1 532 kilomètres que celui passant par le Maroc.
La question se pose donc avec acuité : le Nigeria devra-t-il clarifier sa position une bonne fois pour toutes ? Le choix de l’itinéraire ne doit pas seulement reposer sur des considérations géostratégiques, mais aussi sur la rentabilité du projet. Les investissements dans le gaz sont considérables, et le succès du gazoduc dépendra de la demande future, des énergies concurrentes et de la sécurité des infrastructures.
En fin de compte, comme le souligne le professeur Mebtoul, « l’énergie est au cœur de la souveraineté des États et de leurs politiques de sécurité. » Les dynamiques économiques mondiales en constante évolution modifient les rapports de force internationaux et influent sur les recompositions politiques, tant à l’intérieur des États qu’à l’échelle des espaces régionaux.
Le gazoduc Nigeria-Europe reste un enjeu majeur pour la région et le monde entier. Le choix entre l’Algérie et le Maroc aura des implications profondes sur l’économie et la géopolitique de la région. Il est temps que le Nigeria clarifie sa position et avance avec des décisions éclairées pour le bien de tous les pays impliqués.
