Analyse/ Une participation aux législatives équivaut à un soutien au régime

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Dans un bureau de vote d'Alger. Les observateurs de l'Union européenne ont salué dans les élections législatives algériennes de jeudi "un premier pas sur la voie des réformes", malgré les accusations de fraude lancées par certaines forces d'opposition. /Photo prise le 10 mai 2012/REUTERS/Zohra Bensemra
Des partis se réclamant de l’opposition avancent déjà leur participation aux élections législatives prévues au printemps 2017. Au-delà des « détails » ayant poussé ces formations à prendre part au scrutin, ces partis apporteront en réalité une caution au régime.
Le système algérien est bouleversé depuis juin 2014 par une forte chute des cours du brut, qui prive l’Algérie de presque la moitié de ses recettes financières, notamment lorsqu’on sait que le pays vit de 97% d’exportations des hydrocarbures.
Le régime algérien, notamment sous l’ère Bouteflika, ne cesse de spolier la société dans divers domaines, l’empêchant ainsi de prétendre à un meilleur épanouissement humain tant attendu. Que ce soit les volets de la Justice et des libertés, de l’économie et des finances, du politique, de la culture et du sport, nous ne pouvons énumérer toute la dépression que subit le pays et la population en raison d’une gestion chaotique, sans vision, sans programme, sans projet… C’est à ce titre que la participation des partis aux élections législatives de 2017 prend une tournure de cautionnement à un système rentier en fin de vie. La décision de participer aux législatives lui permet de se pérenniser.
Les arguments soulevés par ces partis ne peuvent justifier une participation. Arguments parmi lesquels « la participation tactique » ou pour « gagner en visibilité ». Des expressions qui ne peuvent dissiper le sentiment de désapprobation régnant au sein de la société vis-à-vis du politique et de la chose politique. Trouver des arguments « farfelues » pour cacher le manque de courage et d’audace réservera certainement un effet boomerang, qui ne sera avantageux ni pour ces formations, ni pour le pays, ni pour la société.
Si la volonté de politiser à nouveau la société a été l’un des objectifs de quelques formations, il ne peut se traduire par la participation. Aller vers la société est possible pour des partis qui disposent de structures internes dans plusieurs régions du pays. Le contact direct, prendre part aux luttes des syndicats, des mouvements et de différents pans de la population pour diverses questions est là aussi possible, tout en évitant ou et en contrecarrant les accusations de politisations de questions sociales. Et puis, pourquoi ce complexe. Tout est politique dans un pays qui a tant besoin de soulever politiquement les revendications sociales, pour améliorer le quotidien de la population.
Le régime respecte et joue son rôle, tout en possédant des alliés traditionnels, comme le FLN, le RND, et dans un proche passé le MPA, le TAJ, et autres formations ne possédant que le sceau du ministère de l’Intérieur. Sa volonté demeure est constante pour empirer le climat politique. Le but étant qu’il apparaisse comme l’arbitre de la scène et se prévaloir comme étant, peut-être pas la solution, mais le choix le moins pire.
Ces partis se réclamant de l’opposition apportent en participant aux élections législatives de 2017 un quitus. Y prendre part voudrait dire, et le régime utilisera la forme participative pour sa propagande à l’extérieur, que l’Algérie jouit d’une démocratie saine, et que le jeu démocratique est en cours, balayant de ce fait toutes les incohérences et les illogismes que subit de plein fouet le pays et la société. 
Les partis et les personnalités qui se sont regroupés au sein de la CLTD et de l’ISCO prouvent que la classe politique actuelle a dépassé ses limites et ne peut offrir une alternative. Ce constat ne réduit en rien les compétences de quelques noms qui excellent dans leur domaine. Mais il est temps de dire « stop » à des formations qui ne peuvent surpasser les égos et qui trahissent la confiance placée en eux par une partie de la société. Bien évidemment, la responsabilité n’incombe pas seulement à ce conglomérat de partis et de personnalités. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de donner l’exemplarité à l’activité politique, et qu’au lendemain de plusieurs réunions et de la publication d’une multitude de déclarations, prendre connaissance de leur participation à des échéances qui confortent le régime, tout cet ensemble d’agissements ne peut relever que de la tartufferie et de l’opportunisme.
Aucun argument ne peut justifier une telle participation dans un contexte de crise financière. La société, en observant de tels comportements strictement politiciens, ne peut que dénigrer davantage la chose politique. Il est utile d’insister pour préciser que ceux qui voulaient, hypocritement ou sincèrement politiser la société, ne font en réalité qu’accentuer le désintérêt des Algériens vis-à-vis de la politique. Par politique, il est fait référence à l’activité qui permet à chaque citoyen de prendre part à la gestion, à être conscient et responsable de ce qu’il entoure, et non pas forcément présager une carrière politique, partisane ou pas.
Le régime devait être isolé, au lieu de l’épauler lors de ce scrutin. Cette stratégie serait tellement insupportable pour le système qu’il serait contraint de faire des concessions sur plusieurs segments, voire allant jusqu’à provoquer un changement dans ses habitudes, ses pratiques et la marginalisation des hommes et femmes qui affectent l’ensemble des administrations du pays.
Un changement c’est l’accumulation d’acquis. Un départ de régime n’est pas seulement synonyme de changement de personnes. Il est vrai que les plus véreux, les corrompus, les autoritaires n’auraient plus de place dans la sphère politique. Cependant, le changement de mentalités et l’engagement vers l’avenir seraient les premiers éléments marquant une évolution.
Avec l’annonce de la participation de ces partis, le régime retrouve sa position de force, lui qui craignait un boycott massif. Il se retrouve également de nouveau maître de l’agenda et du jeu politicien. Libre à lui de distribuer les quotas. Il ne faut pas s’étonner si des partis se retrouvent à récolter quelques strapontins, alors qu’ils espèrent disposer d’une majorité parlementaire. Il est connu chez les despotes que l’humiliation des adversaires est un amusement de soirée.
Mehdi Bsikri 
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