Comment réformer le baccalauréat algérien ?

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Cette année encore, les résultats du baccalauréat font polémique. Dans le milieu éducatif, de nombreux professionnels s’interrogent sur la nécessité d’une refondation totale de l’examen.

Un double constat s’impose au vu des résultats du bac 2014. D’une part, le taux de réussite n’a cessé de diminuer ces dernières années. D’autre part, il y a une augmentation du nombre de bacheliers, due à une augmentation du nombre de candidats à l’examen. Fort de ce constat, Hakem Bachir, professeur de mathématiques au lycée Colonel Lotfi d’Oran, souligne qu’une explosion est à prévoir pour le bac 2015-2016. En effet, en raison de la fusion de la 5è et de la 6è année primaire décidée par la réforme, environ 800.000 candidats passeront l’année prochaine leur baccalauréat. Or, les infrastructures existantes ne pourront accueillir autant de candidats, et le manque d’organisation chronique de l’éducation nationale risque de provoquer un véritable chaos.

Il est donc essentiel de s’interroger dès maintenant sur les faiblesses du baccalauréat algérien, afin de trouver des solutions avant l’échéance de l’année prochaine. À cet égard, les assises prévues les 20 et 21 juillet prochain devront être le point de départ d’une refondation totale du système éducatif. Autrement, elles ne serviront qu’à accroitre encore un peu plus la frustration des professeurs, des élèves et des parents.

Pour trouver des solutions, identifier les problèmes

Première crise majeure du système éducatif : des centaines de milliers de candidats sont recalés chaque année, et près de 30% de ces candidats malheureux abandonnent leurs études (ce qui représente environ 100.000 personnes cette année). Ce taux d’échec est intrinsèquement lié au démantèlement des lycées techniques et l’abandon de la formation professionnelle, deux graves erreurs de la réforme qui font que ces jeunes se retrouvent livrés à eux mêmes au sortir du lycée.

Deuxième obstacles au bon fonctionnement de l’éducation nationale, la réforme a créé un cercle vicieux : le bac a un niveau trop faible, donc les élèves qui rentrent à l’université ont un niveau trop faible, et par conséquent les professeurs qui sortent de l’université et viennent enseigner au collège et au lycée ont un niveau moins bon que leurs prédécesseurs.

En fait, selon le professeur Hakem Bachir, les plus graves problèmes constatés ces dernières années dans l’Education nationale sont directement liés à la réforme : disparition de l’enseignement professionnel, nouvelles méthodes de correction des copies et mise en place des seuils.

Désabusé, Hakem Bachir assure que « le bac restera politique, les élèves continueront à faire leur loi, le seuil des programmes a encore de beaux jours devant lui, la violence dans les établissements sera plus grande et le taux de réussite au bac atteindra bientôt 100% comme promis par Benbouzid et cela quel que soit la qualité et les moyens utilisés », dans une tribune adressée à Algérie-Focus.

Des pistes pour la refondation du système éducatif

Il est tout d’abord primordial de revoir les programmes au niveau du lycée et de mettre à jour leur contenu. Ensuite, on peut envisager de répartir les épreuves du baccalauréat sur deux ans : les options à la fin de la 2AS et les matières fondamentales à la fin de la 3AS. Il faut également prévoir une session de remplacement en septembre pour les élèves qui n’ont pas pu passer l’examen pour des raisons indépendantes de leur volonté.

La révision du mécanisme de choix des correcteurs du bac est aussi une étape importante. Cette année, des professeurs n’ayant jamais enseigné en terminale et des professeurs retraités ont été appelés à corriger les copies du bac. Bachir propose également de revenir à l’ancien système de correction des copies, plus centralisé, qui faisait intervenir un jury de délibération. Ce jury devrait d’ailleurs tenir compte, dans ses décisions d’attribution du diplôme, des notes obtenues par les élèves pendant l’année.

Enfin, dernière proposition du professeur de mathématiques, la définition d’un calendrier pour l’organisation du bac. « De septembre à décembre, les commissions travaillent sur les sujets en veillant à ce que les instructions réglementaires soient respectées. De décembre à janvier, chaque sujet est soumis à des professeurs qui n’ont pas participé aux travaux de la commission et qui vont être chargés de les tester : il s’agit pour eux de les réaliser dans un temps inférieur à celui donné aux candidats. De janvier à février, les sujets sont modifiés si cela est nécessaire compte tenu de l’avis des professeurs qui les ont testés. En mars, l’ONEC choisit définitivement les sujets et l’endroit où ils seront affectés. En avril et en mai, les sujets sont transcrits en braille à l’imprimerie nationale, mis sous pli, conditionnés en cartons et stockés dans des locaux sécurisés. En juin, quelques jours avant le début des épreuves les sujets sont transférés vers les centres d’examens et mis à l’abri dans le coffre du proviseur. »

L’objectif de ce calendrier est double : assurer que les sujets sont adaptés aux élèves et limiter le risque de fuites. Il permettrait également de mettre en place une coordination renforcée entre les différentes instances concernées par le baccalauréat (l’ONEC, les académies et les lycées).

Les professionnels de l’éducation attendent donc beaucoup des assises nationales de l’éducation qui auront lieu dans quelques jours. Ils comptent bien, durant cette réunion au sommet, faire entendre leur voix, pour assurer aux futurs bacheliers algériens un avenir meilleur.

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