En été, à M’Sila, il ne reste qu’à prier Dieu

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A M’Sila, située à 250 km au sud-est d’Alger, les habitants traînent leur ennui comme un fardeau. Reportage dans cette ville de l’intérieur du pays, que beaucoup de résidents, jusqu’au wali en personne, cherchent à fuir.

En ce mois d’août, en descendant du bus, qui nous a mené d’Alger à la gare routière de la ville de M’sila, on s’est senti  comme aspergé par une vague de chaleur. On s’est  senti comme jeté  dans un fourneau. A environ huit cent mètres d’altitude, on suffoque et on a du mal à respirer. Le mercure en ce début d’après-midi frôle  les quarante-cinq degrés. A ce moment de la journée, les rues de la capitale du Hodna sont quasiment désertes. Les quelques piétons qui bravent la canicule  avancent  tout en longeant  les murs, pour se mettre  à l’ombre. Direction El Koudia – littéralement « élévation ». C’est à partir de cet endroit  qu’on prend le transport public pour aller vers les régions de l’Est. Ici, à la  « gare routière », il n’y a ni  abribus, ni arbre. C’est infernal !  Où peut-on nous abriter en attendant l’arrivée d’un moyen de transport sous ce soleil à faire griller les oiseaux, comme on dit ?  Dans cet espace, qui n’a connu aucune opération d’aménagement, la poussière se dégage d’une terre battue… Sous ce ciel, il est difficile pour un artiste de retrouver l’’inspiration. M’sila est une ville qui  parle d’elle-même. Une ville qui semble rater le train du développement. « Dieu, jadis, lorsqu’il voulut châtier le diable, il l’assigna à résidence à M’sila », disent les habitants de cette région lorsqu’ils veulent décrire le mal être ambiant. Promue chef-lieu de  wilaya,  depuis une quarantaine d’années, M’sila  manque de tout en matière de loisir et de distraction. La douzaine de colons qui y vécurent, avant l’Indépendance, n’ont pas laissé le noyau colonial d’une ville. A M’sila, on ne trouve  donc ni statuette, ni chapelle, ni fontaine, ni jardin public.

Même pas une seule piscine !

Après l’Indépendance, les autorités algériennes n’ont pas fait mieux. Preuve en est, l’unique piscine réalisée, à côté du nouveau stade, il y a quelques années, ne fonctionne pas en cette période de grosses chaleurs. « C’est depuis  le mois de juin que la piscine ne fonctionne plus, faute d’eau »,  témoigne  un député. Le premier projet d’un  jardin familial a été abandonné. Le terrain sur lequel il a été construit, vers la fin des années 1990, a fait l’objet d’un  litige foncier entre ses propriétaires et l’administration publique. Résultats : ce qui allait devenir un lieu de loisirs, de détente et d’attraction pour les nombreuses familles de la ville n’est que ruines. Après ce gâchis, la municipalité  de M’sila a proposé un  projet de réalisation d’un parc d’attraction au niveau du lieudit « la pépinière ». Mais, selon des responsables communaux, ce parc n’est jamais  allé plus loin que sa phase d’avant-projet. Les quelques espaces verts que compte la ville sont soit bétonnés, soit abandonnés. L’hôtel Ksob, une infrastructure touristique, située au cœur de la ville, véritable joyau d’antan, est quant à lui depuis plusieurs années sur décision des pouvoir publics.

Même le wali ne passe pas ses week-ends à M’sila

Les deux salles de cinéma, dont l’une vient de connaître une opération de rénovation, n’offrent  ni spectacle ni gala. Que reste-t-il alors pour les M’silis ?  Pour ces quelques 140.000 habitants, trente cinq  mosquées encadrent la vie spirituelle. « M’sila, en matière du crédit bancaire dans le cadre des investissements privés est  loin … loin …. des régions limitrophes. Nous sommes dans une région conservatrice. Ailleurs, un crédit bancaire de quelques milliards est accueilli par les bénéficiaires avec une cérémonie ; par contre, à M’sila, il est rare de voir les gens solliciter les  banques. Et lorsque  cela  arrive, le bénéficiaire prie le banquier de ne pas dévoiler le secret… », confie  un prometteur immobilier de la région. C’est suivant la logique de « que marche-t-il ? »  que les gens d’ici investissent, se désole Amirouche, un retraité d’une entreprise publique. Beaucoup de familles ainsi trouvent dans les centres commerciaux ouverts  récemment  un lieu par excellence  de délivrance. Dès que la chaleur baisse,  le soir, elles sortent pour fuir leurs appartements transformés par l’été en rôtissoires.

Hostile, abandonnée, désoeuvrée, M’Sila fait fuir ses habitants jusqu’à ses administrateurs. En général, les commis de l’Etat, mutés dans la région, ne tardent jamais à demander leur mutation, racontent des fonctionnaires locaux. D’ailleurs, de sources concordantes,  on apprend que le chef de l’exécutif de wilaya ne passe jamais ses week-ends sous ce ciel brûlant. « Chaque mercredi, il rentre à Alger », affirment certaines sources locales bien renseignées.

Témoignage d’un membre de la LAPALEJ : « Je suis membre de la Ligue des activités de plein air, de loisirs et d’échange entre jeunesse (LAPALEJ) de la  wilaya de M’sila , je peux dire que la prise en charge des enfants pendant les vacances scolaires , notamment celles d’été , figure parmi  nos activité. Malheureusement, rien ne se fait à notre niveau », témoigne Siad, dans un premier lieu. Et d’ajouter, « Et pourtant, notre Ligue a un directeur désigné par la DJS, un bureau élu et  un siège ». Cette Ligue qui bénéficie, sans nul doute, d’un budget conséquent de la part de l’Etat,  chapeaute plusieurs associations au niveau des communes. Mais ses activités, selon notre interlocuteur, sont réduites à « une  simple opération de collecte de dossiers pour l’obtention d’un visa d’animateur de colonie de vacances… ». « Chaque année, on accorde aux différents DJS des quotas pour les colonies de vacances. Cette année, par exemple, notre wilaya a bénéficié de 500 places. En principe, ces places sont destinées aux enfants issus des familles défavorisées. Mais, en réalité, on ne trouve parmi les bénéficiaires que des enfants de fonctionnaires qui exercent dans les services fiscaux et autres », dénonce un directeur d’un camp de colonie de vacances de M’sila. Et pour guarantir ses propos, il ajoute sur un ton d’amertume : « L’an dernier, j’ai demandé aux enfants ce que font leurs parents et j’ai pu vérifier cette réalité … »

Djemai B.

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