Le Ramadhan de Camille, journal d’une chrétienne à Alger

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15h30. C’est la pire heure de la journée. J’ai mal au ventre et à la tête. Mes collègues de bureau n’ont pas l’air de fléchir, tout le monde continue à travailler comme si de rien n’était. « Nous, on est habitué. » me déclare Hamza. Malgré « l’habitude » une légère tension est palpable dans l’air. On s’énerve plus facilement. On se calme plus vite aussi. Par manque de salive probablement.

« Pourquoi le fais tu ? T’es devenue musulmane ? » s’interrogent plusieurs amis de l’autre côté de la Méditerranée. « Tu tiendras jamais plus d’une journée » me déclare, provocateur, Bachir un ami musulman. Cette remarque agit sur moi comme un énergisant. Avec mon grand esprit de contradiction et ma soif de découvrir de nouvelles choses, rien de tel pour me motiver.

Je vis à Alger depuis 2 mois, j’y songe depuis 15 jours : « Dois-je le faire ? » En théorie, non. En pratique, c’est un moment à vivre. Faire le jeûne est une démarche spirituelle pour tous croyants. En tant que chrétienne, ce mois de Ramadhan a du sens pour moi. C’est d’abord un moment de communion avec mes amis musulmans. C’est aussi une démarche spirituelle profonde. Jeûner c’est faire de la place pour autre chose. « Le carême » existe chez les catholiques, mais le jeûne a disparu de la vie religieuse de la plupart des croyants. Je n’ai jamais jeûné plus d’une journée. La veille de pâques, tout au plus. Mon voyage à Alger m’offre l’opportunité de vivre, avec d’autres croyants, ces moments de privations qui ont presque disparu de ma pratique religieuse.

Mon premier « ftour », le moment où la chorba et les boureks ont un goût de délivrance

Ma première motivation pour « faire le Ramadhan » est de pouvoir rompre le jeûne avec mes amis algériens et puis, je l’avoue, j’aime les bons repas ! Le « ftour » est ce moment de joie où en famille, entre amis, après une journée de privation, il est possible de boire et manger à satiété. Une demi-heure auparavant, une odeur de chorba et de bourek avait envahi tout l’immeuble. Faisant grandir ma faim comme jamais. Au signal enfin, nous avons tous mangé nos trois dates accompagnées d’un verre de leben. Un goût de délivrance après une journée sans boire ni manger. J’aime les dattes et El ben, et j’attends avec impatience le prochain « ftour ». Plus que quelques heures avant la délivrance… « Saha Ftourkoum ».

Camille J.

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