Face à la crise mondiale et son influence déclinante, un impact limité sur le cours du pétrole de l’OPEP le 28 mai 2009

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IL est maintenant établi par la majorité des experts et des instituions internationales dont la dernière en date est celle de la communauté économique européenne en date du 15 mai 2009, que la crise actuelle est structurelle et non conjoncturelle, devant entraîner de profonds bouleversements géostratégiques et économiques, que la reprise sera très lente, l’ensemble des pays développés et émergents étant entrés en récession en 2009 avec un taux de chômage inégalée depuis la seconde guerre mondiale, devant croître en 2010, pouvant avoir des incidences à la fois sociales et politiques, plus de 10/12% de la population active dont l’Espagne la plus touchée avec plus de 20%). D’ailleurs l’Algérie devrait méditer cette expérience négative de l’Espagne qui voit son économie s’effondrer ayant reposer sa croissance sur le bâtiment et les infrastructures en marginalisant le savoir et les nouvelles technologies .Car l ’Algérie étant une économie essentiellement rentière, ne doit pas prendre à la légère cette crise qui touche tous les pays, les hydrocarbures représentant 98% des exportations et pour l’essentiel du plan de financement des programmes passés et ceux de 2009/2014 reposant essentiellement sur les infrastructures via la dépense publique . Et ce d’autant plus qu’avec des dépenses monétaires inégalées les années passées, 200 milliards de dollars entre 2004/2009 avec des surcoûts estimés à environ 20% dus à une gouvernance stratégique mitigée tant des institutions que des entreprises, grâce au cours moyen de 77 dollars en 2007, 110 dollars en 2008, les performances ne sont pas proportionnelles à ces dépenses , le taux de croissance étant faible , moins de 2,5% % moyenne 2006/2008, et prévisions provisoires du FMI, 2,1% en 2009 et 3%pour 2010, alors qu’il faut un taux de croissance cumulée de 6/7% sur 5 années pour créer 3millions d’emplois et réduire les tensions sociales. Dans ce contexte, la conjoncture extérieure ayant des impacts, il convient de revenir aux fondamentaux pour comprendre l’évolution du cours du pétrole.

1-En effet,les décisions prises par l’Opep, lors des dernières réunions de 4,2 millions de barils par jour depuis le début de l’année 2008, (occasionnant par là un manque à gagner pour l’Algérie d’environ 5 milliards de dollars) n’ont pas abouti aux prévisions escomptées d’un cours approchant les 80 dollars, ayant contribué certes à la stabilisation, l’histoire pétrolière mondiale nous enseignant que si en temps normal les interventions de l’Opep pour maintenir les cours connaissent un certain succès, ce n’est pas le cas en temps de crise. A titre de rappel, avant la réunion du 17 décembre 2008 à d’Oran les Ministres libyen, iranien, vénézuélien et algérien déclaraient ouvertement qu’avec les réductions le cours du baril de pétrole baril se stabiliserait à environ 70/80 dollars le premier trimestre 2009 et qu’il y aurait une réduction de la production lors de la précédente réunion de Vienne le 15 mars 2009. L’Arabie Saoudite s’est opposée à cette réduction. Par ailleurs et ce pour la fin de l’année 2009, le Ministre algérien prévoit un cours entre 60/70 dollars, les Ministres iranien et vénézuélien un cours 80/100 dollars et les Ministres du Koweït et du Qatar un cours à 50/55 dollars , ces derniers le jugeant satisfaisant . Cette cacophonie est préjudiciable à l’avenir de l’organisation qui risque d’avoir de moins en moins de crédibilité et d’impacts sur le cours des évènements. La modestie étant le commencement de la sagesse, retenons ces analyses pertinentes de grands experts pétroliers notamment, les présidents des Instituts français et américain du pétrole qui viennent de déclarer qu’il est utopique de vouloir donner des estimations futures sur le cours du pétrole du fait de l’incertitude de l’économie mondiale.

2-La première raison fondamentale est la situation de l’économie mondiale, indépendante des pays de l’OPEP et c’est le retour ou pas de la croissance qui sera déterminante. Car il faut savoir qu’un taux de croissance se calcule par rapport à la période antérieure et une croissance après à un taux négatif de l’année précédente donne toujours un taux faible. Comme après une grave maladie, la convalescence durera de longues années, au minimum jusqu’en 2014/2015 si les thérapeutiques s’avèrent efficaces et donc qu’une légère reprise soit effective fin 2010 début 2011, pour que l’économie mondiale retrouve son niveau antérieur mais avec des bouleversements technologiques et organisationnels, les bourses mondiales ayant perdu en sous capitalisation plus de 52.000 milliards de dollars. Et ce n’est qu’un bilan provisoire car l’on n’a pas évalué encore l’ensemble des actifs toxiques. Aussi, il faut être attentif à l’évolution de l’économie mondiale et surtout américaine qui est le premier importateur d’hydrocarbures et reste la locomotive de l’économie mondiale avec plus de 14 300 milliards de dollars de PIB trois fois plus que le second du classement mondial, le Japon tous deux en récession. Car il ne faut pas être utopique , voire en l’Asie le sauveur , la Chine représente à peine le PIB de l’Allemagne, la reprise devant impérativement provenir entre 2010/2014 des USA , du Japon, et de l’Europe , d’autant plus que la Banque mondiale ayant revu à la baisse le taux de croissance de la Chine en le ramenant à tout juste 7,5 pour cent, son niveau le plus bas en près de 20 ans, inférieur au niveau de référence de 8 pour cent qui est généralement considéré par les responsables chinois comme étant le minimum indispensable pour créer suffisamment d’emplois et maintenir ainsi la stabilité sociale. Et les derniers rapports internationaux montrent clairement que si les pays de l’OPEP à faibles populations, du fait de leurs réserves de change peuvent tenir plusieurs années, en cas de persistance de la crise qui est structurelle et non conjoncturelle, d’autres pays pétroliers , du fait de l’importance de leurs dépenses non proportionnelles aux impacts économiques et sociaux ( gouvernance mitigée) et de leur population , seront touchés par cette crise à savoir le Nigeria, le Vénézuéla , l’Iran et l’Algérie, encore que les deux plus grands producteurs mondiaux l’Arabie Saoudite et la Russie seront en déficit budgétaire en 2009 . Pour le cas Algérie, selon les données récentes de la banque d’Algérie en mai 2009, nous aurons 50 milliards de dollars importation de biens (40), plus services (10) soit 50 milliards de dollars de biens et services, montant auquel il faudrait ajouter environ 10 milliards de dollars de transfert de dividendes, devant raisonner au niveau de la balance des paiements soit une sortie de devises de 60 milliards de dollars en s’en tenant au rythme des dépenses de 2008. Si l’on prend en compte les dernières mesures gouvernementales ou l’Etat investira près de 100% ( donc un montant supérieur à 60 milliards de dollars pour réaliser les 200.000 entreprises prévues à moins d’ une réallocation des ressources et des restrictions budgétaires) dont Sonatrach et Sonelgaz (programme 2009/2013) prendront 50% des recettes de Sonatrach à un cours de 50/55 dollars, laissant au reste de l’économie moins de 20 milliards de dollars annuel qui s’ ajoutent aux réserves de change ( 143 milliards de dollars) , si le problème de financement ne devrait pas poser problèmes entre 2009/2010, il est fort probable des tensions budgétaires courant 2012 à ce cours , pour un cours 60/65 dollars courant 2013 et entre 45/50 dollars le cours courant 2011, et ce à prix constant pour un dollar égale 1,30 euro.

3-Pour les autres fondamentaux, si l’on excepte les tensions géopolitiques notamment au Moyen Orient, Nigeria, le deuxième facteur est que les plus grands pays producteurs depuis 10 ans ne sont pas ceux de l’OPEP ne commercialisant sur le marché mondial en moyenne 2007/2009 que 40/35%, 60/65% se faisant hors OPEP. Et avec ces baisses successives, sous réserves du respect des quotas, ce qui n’est pas évident, il est à craindre des pertes de part de marché profit notamment des pays hors OPEP qui combleront la différence dont notamment la Russie et surtout l’Irak, actuellement hors OPEP, deuxième exportateur mondial après l’Arabie Saoudite, avec un coût de prospection inférieur à 5 dollars. Le Mexique, qui est lié par un accord de libre échange avec les USA n’est pas intéressé pour rejoindre l’OPEP, autant que la Norvège faisant partie de l’Europe ce d’autant plus que le pétrole représente une part négligeable dans la valeur ajoutée et ses intérêts stratégiques ne coïncident pas avec ceux de certains pays de l’OPEP. Quant à la Russie , sa positon durant cette crise est ambiguë ayant besoin de financement, Gazprom ayant une stratégie d’internationalisation différente de celle de l’OPEP ne voulant pas perdre des parts de marché. Le troisième facteur, les réserves américaines, (y compris les stocks) et la déflation, a enlevé à l’or noir son attrait de placement refuge contre l’inflation et les spéculateurs par la revente ont contribué à affaiblir les cours, étant admis actuellement que les cours passés au dessous de 100 dollars étaient dues à des bulles financières, encore qu’en cas de retour à l’inflation et la dépréciation du dollar , la spéculation risque de reprendre, le pétrole devenant une valeur refuge à l’instar de l’or. Le quatrième facteur souvent oubliée est que l’on assiste à un changement certes lent mais notable du nouveau modèle de consommation énergétique horizon 2015/2020, lié au nouveau défi écologique qui offre un champs immense aux investissements du futur, (énergies alternatives) encore que l’action des lobbys pétroliers (dits les majors) pour ralentir ce processus est plus importante que celle de l’OPEP. Et cela avec les politiques dites « nationales » du retour au charbon propre (recyclage du CO2 dont la technique est mise au point) dont la durée de vie dépasse 200 ans (avec des réserves aux USA le double des hydrocarbures en Arabie Saoudite en termes d’efficacité énergétique) contre 40 ans pour les hydrocarbures. Aussi, le cours du pétrole futur sera intiment lié à la future politique énergétique du nouveau président américain, qui contrairement à la présidence républicaine lié aux intérêts des pétroliers texans qui poussaient à un prix élevé prenant en compte la protection de l’environnement dont la prochaine réunion de Copenhague concrétiser la nouvelle politique US. Car l’erreur stratégique de certains experts de l’OPEP, est de raisonner en termes de modèle de consommation énergétique linéaire oubliant les cycles énergétiques depuis que le monde est monde. Certes cela demandera du temps mais ce nouveau modèle de consommation est inéluctable étant freiné transitoirement par les lobbys pétroliers. Car les programmes USA/Europe qui sera repris par l’Asie, misent sur l ‘efficacité énergétique des bâtiments qui représentent une consommation de plus de 4O% pour le chauffage- l’eau chaude –le refroidissement et l’éclairage et le programme US se propose d’investir plus de 150 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. .Les aides (Europe/USA) aux constructeurs d’automobiles( voitures électriques dans 10 ans et surtout ,hybride à court terme) , du bâtiment , normes de constructions, différentes des précédentes, sont liées à l’objectif stratégique d’importantes économies d’énergie,en rappelant que le parc transport représentant une part prépondérante de la consommation mondiale. Les investisseurs potentiels à l’instar de l’abandon partiel du charbon pour les hydrocarbures la décennie passée, peuvent anticiper donc sur le nouveau modèle de consommation pouvant assister à un désinvestissement dans ce segment, le pétrole devenant une énergie comme une autre, banalisée, en diminution relative horizon 2020. Enfin sixième facteur est l’évolution du cours du dollar .Aussi à la déflation actuelle, le risque avec l’envolée des dépenses publiques, le retour à la stagflation (hausse des prix, chômage, récession) en cas d’inefficacité de ces dépenses publiques. Pour le dollar qui représente toujours environ 60% des transactions mondiales, certains instituts stratégiques mondiaux prévoient sa dépréciation courant 2009/2010Aussi si le cours du dollar baisse, la valeur du pétrole libellée souvent en dollars (ainsi que les bons de trésor et les réserves de change libellés en dollars) diminuera. Concernant le cours actuel du pétrole, le gaz étant indexé , mais pur une valeur monétaire de 50%( en moyenne pur un cours de 60 dollars, donnant 30 dollars ) , rendant donc non rentables certains projets gaziers pour un cours inférieur à 80 dollars, pour avoir la valeur réelle, il faudrait donc déflater par la dépréciation du dollar, les exportations du pétrole étant libellées en dollars. En effet le brent qui était coté à 48 dollars avec un cours de 1,28 dollar un euro entre janvier/février 2009 est passé le 08 mai 2009 à 58 dollars pour le brent( mer du Nord) et le WIT ( Texas) du fait à la fois à la baisse des stocks , donc à leur reconstitution, une légère reprise des bourses non due aux fondamentaux technologiques et surtout à la dépréciation du dollar qui est passé à plus de 1,36 dollar un euro. Ce qui donne en parité de pouvoir d’achat euros un cours de 53 dollars. A un cours à 60 dollars et à un cours de 1,45/1,50 dollar un euro, et sous réserve d’une stabilisation de l’inflation mondiale en dessous de 2/3%, le cours du pétrole serait entre 52/53 dollars à prix constant parité euros. Aussi, évitant d’induire en erreur l’opinion publique qui a une faible culture économique, il est faux de raisonner en prix courants sans tenir compte à la fois de l’inflation ou déflation et de la dépréciation ou de l’appréciation du dollar. En conclusion, il ne faut pas s’attendre à des miracles à la prochaine réunion de l’OPEP le 29 mai 2009 qui devait postuler le statut quo d’autant plus que l’Arabie Saoudite (dominante au niveau de l’OPEP et membre du G20) et le Koweït ont annoncé qu’ils ne participeront pas à une réduction de la production. AM

NB- Pays membres de l’OPEP- Afrique (Algérie avec moins des 2/3% des réserves mondiales épuisement dans 20/30 ans pétrole , Angola , Libye , Nigeria) Moyen-Orient (Arabie saoudite, les Émirats étant une confédération crée en 1972, seule Abou Dabi est membre de l’OPEP, les autres émirats ne se considérant pas liés par les quotas- Irak, depuis le conflit , le pays est encore nominalement membre de l’OPEP, mais n’est plus inclus dans les quotas. Iran- Koweït -Qatar) Amérique du Sud (Équateur, Venezuela) – Asie du Sud- Est ( Indonésie, le pays étant devenu importateur net, en mai 2008 le gouvernement a annoncé son retrait de l’organisation). Parmi les pays importants non OPEP , on peut citer , []le Canada, le Soudan, le Mexique, le Royaume-Uni, la Norvège, des États-Unis, la Russie et Oman. Mais avec les découvertes en Amérique latine dont récemment le Brésil, et surtout en Afrique d’autres pays sont non membres de l’OPEP ce qui risque avec le pic pétrolier des pays de l’OPEP devenant importateur, d’accroître sa marginalisation future et amplifier le poids de l’Arabie Saoudite


Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International en Energie.

Conseiller des Ministères Energie (1974/1980-1990/1995-2000/2006)

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