Cinéma, Théâtre, et Littérature : Les Cultes Algériens qui Résistent à l’Épreuve du Temps

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Cinéma, Théâtre, et Littérature : Les Cultes Algériens qui Résistent à l'Épreuve du Temps

Algérie: Au cœur de la riche culture algérienne, le cinéma, le théâtre et la littérature ont marqué des générations entières. De « Babor ghraq » à « Tahia ya Didou », de « Nedjma » à « Omar Gatlato », ces œuvres continuent de résonner dans la mémoire collective algérienne. Dans cet article, nous plongerons dans l’univers de ces créations cultes qui ont transcendé les époques et résisté à l’épreuve du temps.

L’Essence du Théâtre : « Babor ghraq »

Tout commence avec le théâtre, considéré comme le père ou l’oncle maternel du cinéma. Parmi les pièces inoubliables, « Babor ghraq » de Slimane Benaïssa, datant de 1983, occupe une place prépondérante. Cette pièce a anticipé les événements d’Octobre 1988 en exprimant les aspirations d’une jeunesse en quête de liberté. La pièce a été transcrite en langue algérienne, permettant ainsi à la parole de se libérer.

La Littérature d’Exception : « Nedjma »

La littérature algérienne est riche en chefs-d’œuvre, mais « Nedjma » de Kateb Yacine, roman atypique de 1956, demeure culte. Bien que peu de lecteurs l’aient lu jusqu’à la fin, tout le monde en parle comme d’un chef-d’œuvre. Kateb Yacine a marqué l’histoire littéraire en décidant ensuite de revenir à la langue populaire à travers la compagnie théâtrale Debza.

Le Cinéma Algérien : Entre Cultes et Rare Témoignage

Dans le domaine cinématographique, plusieurs films algériens ont marqué les esprits. « Chronique des années de braise » de Mohamed Lakhdar Hamina (1975) reste un témoin inestimable de l’histoire algérienne, bien qu’il soit introuvable en ligne ou en DVD. « La Bataille d’Alger » de Gillo Pontecorvo (1965) a été immortalisée par le documentaire de Malek Bensmaïl en 2017.

Cependant, un film se distingue parmi les cultes, c’est « Tahia ya Didou », une œuvre unique de Mohamed Zinet en 1971. À l’origine, une commande de la mairie d’Alger pour une carte de visite touristique, le film a été transformé en une balade poétique et surréaliste dans l’âme d’Alger. Ce film est officiellement inscrit dans les annales cinématographiques sous le titre « Alger insolite ».

Pourtant, la légende de « Tahia ya Didou » ne s’est pas construite facilement. Mohamed Zinet, son réalisateur, a fini ses jours dans un hôpital psychiatrique, tandis que le film était presque oublié, avec des copies en mauvais état et des ayants-droit non identifiés. Ce n’est qu’en 2017 que l’État a restauré le film, poussé par le documentaire « Zinet, Alger, le bonheur » réalisé par Mohamed Latrèche en 2023.

Un Héritage Culturel Intemporel

Un film culte ne dépend-il que de son âge ? Certainement pas. Le cinéma algérien a également produit des comédies mémorables qui continuent de faire rire des générations entières. Des « Inspecteur Tahar » au « Clandestin (Taxi el mekhfi) » de Benamar Bakhti (1989), en passant par « Carnaval di dechra » de Mohamed Oukassi (1994), ces films demeurent dans le cœur des Algériens. Leurs répliques sont devenues cultes et sont régulièrement partagées sur YouTube.

Cependant, un film culte doit-il être aussi vieux que le régime de Boumediene pour être authentique ? La réponse n’est pas aussi simple. Les séries télévisées algériennes, telles que « Sultan Achour » de Djaffar Gacem, sont également devenues cultes grâce à leur ton politique subtil, à leur liberté de parole et à leurs sarcasmes. Les Algériens sont à la fois des politiciens comiques et des spectateurs qui aiment rire devant l’écran pour échapper à la réalité parfois sombre de leur pays.

Vers l’Inconnu de la Création Culte

L’Algérie a produit des films contemporains de grande qualité, tels que « Délice Paloma » de Nadir Moknèche (2007) ou « Rachida » de Yamina Bachir-Chouikh (2003). Ces films sont considérés comme des chefs-d’œuvre, mais ils n’ont pas encore atteint le statut de culte. Peut-être le temps fera-t-il son travail, ou peut-être faut-il quelque chose de plus pour qu’un film devienne culte.

Peut-être qu’un réalisateur peut produire plusieurs films cultes, ou peut-être que la question du culte est étroitement liée aux répliques, à la langue et finalement à la culture. La langue, qu’elle soit utilisée dans les pièces de théâtre de Slimane Benaïssa ou dans les répliques mémorables des comédies algériennes, joue un rôle essentiel.

Dans une récente rencontre, le dramaturge Slimane Benaïssa a déclaré : « Le premier problème est d’inventer une langue, qui n’est pas uniquement celle qu’on parle ». Il a souligné que la darija utilisée dans sa pièce « Babor Ghraq » était à la hauteur de l’arabe classique. Le culte naît souvent de cette alchimie entre la langue, la culture et l’irrationnel.

En fin de compte, devenir culte n’est pas une décision, mais une alchimie mystérieuse qui échappe souvent aux créateurs. L’art, qu’il soit théâtral, littéraire ou cinématographique, est irrationnel, tout comme les Algériens, selon les rationalistes. Les Algériens sont des gardiens de la mémoire, des nostalgiques d’époques qu’ils n’ont pas connues, et leur attachement à ces œuvres cultes continue de façonner leur identité culturelle.

Au fil des décennies, le cinéma, le théâtre et la littérature algériens ont produit des trésors culturels qui traversent le temps, rappelant aux générations actuelles et futures l’importance de préserver ces œuvres et de continuer à créer des récits qui transcendent les époques. Le culte est un héritage précieux qui unit le passé, le présent et l’avenir de l’Algérie.

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