Crise du Poulet en Algérie : L’Aviculture au Bord du Gouffre

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Crise du Poulet en Algérie : L'Aviculture au Bord du Gouffre

L’Algérie est actuellement secouée par une crise dans le secteur avicole, et les aviculteurs ainsi que les commerçants de volaille sont au bord de la rupture. Alors que des inspections sont en cours pour enquêter sur la filière avicole en Algérie, dans le but de faire baisser les prix du poulet qui ont atteint des niveaux vertigineux, la décision du ministère de l’Agriculture de noyer le marché sous une quantité massive de viandes blanches suscite des critiques. De nombreux acteurs de l’industrie estiment que cette approche est une fuite en avant, plutôt qu’une solution réelle au problème.

Des Pertes Enormes pour les Aviculteurs

La crise dans le secteur avicole en Algérie a frappé durement les aviculteurs qui déclarent avoir subi d’importantes pertes financières. Certains ont même vu leurs économies s’évaporer en raison de cette crise. Un aviculteur de la commune de Hamma Bouziane, située à 10 km de Constantine, a témoigné : « J’ai perdu plus de 700 millions de centimes ; ceci est insignifiant par rapport à d’autres aviculteurs ayant perdu des sommes colossales, en raison notamment du fort taux de décès des poussins ; si cette situation perdure, beaucoup d’aviculteurs vont cesser cette activité. »

Ces pertes financières sont d’autant plus alarmantes que la région de Constantine a longtemps été l’une des principales sources d’approvisionnement en volaille dans le pays.

Les Aviculteurs Défendent Leur Cause

Les aviculteurs que nous avons interrogés soulignent que la situation actuelle est le résultat de plusieurs facteurs, et que la manière dont l’information est présentée au public est trompeuse. « Certes, les prix sont exorbitants, mais il faut prendre en considération le fait que le marché de la volaille est volatile depuis des années, en raison de nombreux facteurs », explique un aviculteur vétérinaire de formation.

Pour comprendre les coûts impliqués dans la production d’un kilogramme de poulet, notre interlocuteur effectue des calculs détaillés. Il commence par le prix du poussin, actuellement estimé à 200 DA, auquel il ajoute toutes les charges liées au cycle d’élevage, y compris les salaires des employés, la préparation des bâtiments, le chauffage, le chaulage, la litière, la médication, le matériel tel que les abreuvoirs, et surtout l’alimentation. Un poulet consomme entre 5 et 5,5 kg d’aliments pour atteindre un poids de 2,8 à 3 kg sur pied.

Au final, le coût de production d’un kilogramme de poulet s’élève à entre 290 et 300 DA. Il précise également que le taux de mortalité des poussins est d’environ 10%, ce qui est considéré comme la norme. Cependant, si ce taux dépasse 30%, l’aviculteur subit inévitablement des pertes financières.

La Chaîne de Production et les Frais Associés

Avant d’atteindre le consommateur final, le poulet traverse plusieurs étapes de production. Cela inclut le transport à l’abattoir, la saignée, le plumage, le vidage et le découpage. Sans marge bénéficiaire, notre interlocuteur fait le calcul et affiche un prix de 377 DA pour 1 kg de poulet.

Avec une marge bénéficiaire de 30% et la prise en compte des frais de l’abattoir, le prix au kilogramme atteint entre 455 DA et 500 DA. Par conséquent, le prix de vente au détail sur les marchés ne peut pas être inférieur à 555 DA par kilogramme.

L’Impact des Crédits Bancaires et des Coûts d’Aliments

Certains aviculteurs soulignent également qu’ils ont des crédits bancaires à rembourser et des coûts élevés en ce qui concerne l’alimentation animale. Le prix du soja local est monté en flèche, atteignant 9700 DA par quintal, tandis que les autres additifs alimentaires coûtent 40 000 DA par quintal. Ils rappellent que par le passé, le soja et le maïs importés coûtaient respectivement 4500 DA et 4550 DA par quintal.

Un autre problème majeur est lié à la disponibilité des reproducteurs de chair, c’est-à-dire les poulets qui produisent des poussins destinés à l’élevage. Les importations de ces reproducteurs ont été réduites de 50%, ce qui a entraîné une pénurie. Cette situation, associée au manque de barrières sanitaires efficaces, a provoqué une augmentation de la mortalité des poulets, atteignant parfois entre 40% et 50%.

Appel à la Coopération et à l’Implication des Acteurs de Terrain

Les acteurs de la filière avicole appellent à la création de cellules de base chargées d’étudier sur le terrain les causes profondes de la hausse des prix et d’évaluer l’efficacité des mesures alternatives prises par le ministère de tutelle au fil des années. Sur les marchés, la viande blanche est devenue un produit de luxe pour les consommateurs. Les prix du poulet varient entre 560 et 580 DA par kilogramme, avec des cuisses entre 440 et 480 DA, et des ailes entre 370 et 390 DA. Le cou, quant à lui, est vendu entre 170 et 230 DA.

Face à cette situation, les commerçants ont dû s’adapter en proposant des ventes par pièce ou en réduisant les prix de l’escalope. Cependant, cela n’a pas suffi à attirer les acheteurs.

Appel à l’Implication des Acteurs de Terrain

Ahmed Gueraiche, représentant des commerçants de volaille, tire la sonnette d’alarme et qualifie la situation de catastrophique. Les marges bénéficiaires sont minimes, et de nombreux commerçants luttent pour couvrir leurs coûts, y compris le loyer, les impôts et autres charges. Il appelle le ministre à faire appel aux acteurs de terrain pour résoudre ce problème de gestion complexe qui perdure depuis des années.

Abdelaziz Bouguerne, membre du bureau de la wilaya de Constantine de l’UGCAA, confirme que certains commerçants de volaille ne parviennent même pas à payer leur loyer. Il souligne également que des abattoirs ont fermé dans la wilaya de Constantine. Il conclut en insistant sur l’importance d’une coordination efficace entre les commerçants, les aviculteurs, la chambre de l’agriculture et les autorités locales pour résoudre cette crise.

En conclusion, la crise du poulet en Algérie est le résultat de nombreux facteurs complexes, notamment la hausse des coûts de production, la pénurie de reproducteurs de chair et la volatilité du marché. Pour résoudre ce problème, il est essentiel d’impliquer les acteurs de terrain et de mettre en place des solutions durables qui bénéficient à l’ensemble de la filière avicole. La situation actuelle ne peut être résolue uniquement par des enquêtes administratives, mais nécessite une approche collaborative et pragmatique.

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