Désertification Laitière au Maroc : Un Modèle Agricole en Péril

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Désertification Laitière au Maroc : Un Modèle Agricole en Péril

Dans les terres arides du Maroc, une sécheresse prolongée s’est abattue sur le pays, secouant l’industrie laitière et plongeant les éleveurs dans une crise profonde. La production annuelle de lait au Maroc a chuté de 2,5 à 2 milliards de litres en raison de la diminution du cheptel, mais le véritable enjeu réside dans la baisse du niveau des nappes phréatiques et le manque crucial d’eau nécessaire à la production de fourrage.

Les Éleveurs Face à une Crise Sans Précédent

La situation est alarmante, et selon un expert cité par le média marocain Le360, la région de Souss doit maintenant puiser l’eau à des profondeurs dépassant parfois 200 mètres. Dans certaines zones, il n’y a plus d’eau à pomper, les nappes phréatiques ayant été épuisées. Le prix de l’eau a grimpé en flèche, imposant un fardeau financier supplémentaire aux éleveurs qui luttent pour leur survie. « On est à la limite de la rentabilité », prévient cet expert.

Le coût de l’eau est passé d’une quasi-gratuité, grâce à la pluie, à un prix de 0,5 dirham/mètre cube, puis à 2 dirhams/mètre cube, voire plus pour l’eau souterraine, qui nécessite une dépense énergétique pour le pompage. Dans leur quête de réduction des coûts de carburant, certains éleveurs marocains ont même été tentés de frauduleusement alimenter leurs motopompes en détournant le gaz butane subventionné, destiné aux besoins domestiques.

Une Sécheresse Qui S’Aggrave

La sécheresse n’est pas un phénomène nouveau au Maroc, mais elle s’aggrave de manière alarmante. La hausse des prix des aliments pour le bétail sur le marché international, notamment le maïs et les tourteaux de soja, aggrave encore la situation. Mohammed Raita, le responsable de l’interprofession Maroc Lait, souligne que la hausse des prix des aliments pour le bétail frôle les 88 %, tandis que le cheptel laitier subit une nette baisse de 30 % depuis le début de cette période prolongée de sécheresse.

Plusieurs années de sécheresse ont conduit à une stagnation de la production laitière du Maroc à 2 milliards de litres en trois ans, alors que l’objectif était d’atteindre 3,5 milliards de litres d’ici 2030. Face au manque persistant de fourrage, de nombreux éleveurs sont contraints de vendre une partie de leur cheptel pour survivre.

Un Modèle Agricole en Question

La situation actuelle met en évidence les défis auxquels est confrontée la filière laitière marocaine, mais elle remet également en question le modèle agricole du pays. La politique du Plan Maroc Vert (PMV), qui a promu l’exportation de fruits et légumes vers les marchés européens à partir de 2008, est pointée du doigt comme l’une des causes de la crise actuelle. Cette politique a entraîné une forte exploitation des ressources en eau pour la culture de produits destinés à l’exportation, au détriment de l’approvisionnement en eau pour les éleveurs locaux.

Les manifestations de la soif en 2017 dans certaines régions marocaines ont mis en évidence les tensions autour de l’eau. Les habitants de Zagora, aux portes du désert, ont été privés d’eau pendant plusieurs jours en raison des prélèvements massifs pour la culture de pastèques destinées à l’exportation. En 2021, les autorités ont enfin envisagé de réduire ce type de production.

L’Élevage Intensif, une Menace pour les Ressources en Eau

Pour faire face à la sécheresse, certains suggèrent de privilégier les vaches de races locales, mieux adaptées à la chaleur. Cependant, le représentant de Maroc Lait rejette cette idée, expliquant que les races améliorées produisent environ 8 000 litres de lait par an dans les grandes fermes, et environ 4 500 litres dans les petites exploitations, tandis que la production des races locales est d’environ 600 litres par an.

Un ingénieur agronome anonyme cité par Le360 met en garde contre l’impact de l’élevage intensif sur les ressources en eau du Maroc, affirmant que cette méthode « ne peut être rentable qu’avec les pluies », mettant ainsi en évidence les limites de la politique agricole du pays, qui repose sur l’épuisement des ressources en eau.

Le Modèle Agricole Marocain Sous Pression

Le Maroc se trouve à un moment critique de son modèle agricole. La politique axée sur l’exportation de fruits et légumes a mis en péril les ressources en eau du pays, tandis que la sécheresse persistante exerce une pression énorme sur l’industrie laitière et les éleveurs locaux. La crise inflationniste en 2023, avec une inflation de +10 %, dont 20 % sur les produits alimentaires, questionne la viabilité du modèle agricole marocain.

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