La France et l’Algérie Réconcilient Leurs Passés Colonisés à Travers Un Partage Historique Inédit

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La France et l'Algérie Réconcilient Leurs Passés Colonisés à Travers Un Partage Historique Inédit

Au croisement des mémoires et de l’histoire, une commission d’historiens franco-algériens a entrepris un voyage vers la réconciliation mémorielle. Les membres de cette commission, réunis à Constantine, ont élaboré un mémorandum en 11 points qui pourrait redéfinir les relations entre les deux pays. Dans cet article, nous plongerons dans les détails de ces propositions et de leur signification historique.

À la Confluence de l’Histoire et de la Mémoire

La commission mixte algéro-française sur la colonisation et la mémoire s’est réunie cette semaine à Constantine, en Algérie, pour une rencontre historique. La ville de Constantine, symbole du passé colonial et berceau de nombreux rapatriés d’Algérie à l’indépendance, offre un cadre chargé de symboles pour ce rendez-vous. Benjamin Stora, l’historien à la tête du panel côté français, est lui-même originaire de cette ville.

Cinq historiens français, dont Tramor Quemeneur, Jacques Fremeaux, Florence Hudowicz et Jean-Jacques Jordi, ont été nommés par le président Emmanuel Macron en janvier 2023. Côté algérien, cinq éminents historiens, dont Mohamed El Korso, Mohamed Lahcen Zighidi, Djamel Yahiaoui, Idir Hachi et Abdelaziz Filali, ont été choisis par Abdelmadjid Tebboune. La création de cette commission a été décidée conjointement par les deux présidents à la suite de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie en août 2022.

Un Projet de Réconciliation

Le rapport de Benjamin Stora sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, » remis en janvier 2021 à Emmanuel Macron, a servi de fondement à la création de cette commission. Ce rapport contient des propositions concrètes pour avancer vers une « réconciliation des mémoires. »

La mission de la commission est claire : explorer l’ensemble de la période historique allant de la colonisation à la guerre de libération, sans tabous, et avec un accès complet aux archives. La politique est mise de côté au profit d’un travail libre et historique. L’objectif est de faire la lumière sur les enlèvements d’Oran en juillet 1962 et de revisiter l’histoire commune des deux pays.

Vers un Futur Mémoriel Partagé

Après une première réunion en visioconférence en avril dernier, les historiens se sont retrouvés en personne à Constantine le 22 novembre pour une journée de travail intense. Désormais, le panel se réunira tous les deux mois, alternativement en Algérie et en France. Cette approche renforce l’engagement envers la réconciliation mémorielle.

Les échanges d’universitaires seront intensifiés, avec une quinzaine d’historiens algériens et autant de leurs homologues français se rendant prochainement dans les deux pays respectifs. Cela permettra un partage des connaissances et une compréhension approfondie de l’histoire commune.

Les Propositions Clés

Le mémorandum en 11 points élaboré par la commission contient des propositions essentielles. Tout d’abord, les historiens travailleront à établir une chronologie détaillée des événements militaires, politiques, économiques, sociaux et culturels survenus entre 1830 et 1962.

Un projet majeur est la création d’une bibliothèque commune de recherches et de sources imprimées ou manuscrites sur le XIXe siècle. Cette bibliothèque servira de base à l’édition, à la numérisation et à la traduction des sources les plus importantes, avec la possibilité de les restituer à l’Algérie. Un portail numérique similaire à Gallica sera créé pour faciliter l’accès aux sources imprimées, aux archives numérisées, à la cartographie, aux ressources iconographiques, sonores et filmiques, ainsi qu’à la chronologie de cette période historique.

Restitution et Mémoire

La question de la restitution occupe également une place centrale. La commission recommande la restitution à Alger de vingt-neuf rouleaux et de treize registres de la période ottomane, ainsi que celle de 2 millions de documents numérisés liés à la période coloniale, de 1830 à la fin du XIXe siècle. Les historiens proposent également la restitution de deux crânes d’Algériens tués au cours des révoltes du XIXe siècle, ainsi que la poursuite de l’identification de restes humains restituables à l’Algérie.

Ce geste de restitution est porteur d’une volonté d’apaiser les mémoires et de rétablir une certaine justice historique. En juillet 2020, la France avait déjà restitué les restes de 24 résistants algériens tués au cours du XIXe siècle, marquant ainsi un premier pas vers la réconciliation.

Un Patrimoine Partagé

La commission souhaite également rendre à Alger des biens ayant appartenu à l’émir Abdelkader, premier chef de la résistance. Parmi ces biens, le sabre, le burnous et le Coran de l’émir, qui capitula en 1847 après une guerre de dix-sept années. Ces objets symboliques témoignent de l’histoire complexe et des liens entre la France et l’Algérie.

La visite du château d’Amboise, où l’émir Abdelkader fut détenu de 1848 à 1852, est prévue lors de la visite du président Abdelmadjid Tebboune en France. Cette étape majeure du voyage renforce l’importance de ces objets historiques.

Conclusion

La commission d’historiens franco-algériens a accompli un premier pas significatif vers la réconciliation des mémoires. Ces propositions ne sont pas simplement des gestes symboliques, elles ouvrent la voie à une meilleure compréhension de l’histoire commune, marquée par la colonisation.

La volonté de travailler sur une base historique, d’ouvrir des archives et de partager des connaissances est un signe positif. Cependant, ce processus nécessitera du temps et des efforts constants pour aboutir à une réconciliation mémorielle complète entre l’Algérie et la France.

Ce mémorandum en 11 points représente une opportunité de construire un avenir où l’histoire est comprise, partagée et acceptée par tous, dans le respect de la vérité et de la justice. Il revient désormais aux présidents Macron et Tebboune de décider des prochaines étapes de ce voyage vers la réconciliation mémorielle, un voyage qui pourrait bien façonner l’avenir des relations franco-algériennes.

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