La Normalisation Maroc-Israël : Trois Ans Plus Tard

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La Normalisation Maroc-Israël : Trois Ans Plus Tard

Il y a trois ans, le 22 décembre 2020, le Maroc et Israël scellaient leur accord de normalisation des relations dans une cérémonie solennelle à Rabat. Aujourd’hui, alors que cet anniversaire passe presque inaperçu, les conséquences de ce rapprochement sont loin d’être aussi triomphantes qu’espéré. Au contraire, le Maroc semble célébrer cet événement en ordre dispersé, avec une population qui manifeste en faveur de la Palestine et contre la normalisation, et un gouvernement qui fait profil bas.

Le Maroc et Israël : Une Normalisation en Demi-Teinte

Les Marocains ont manifesté une nouvelle fois ce dimanche dans les rues de Rabat pour réaffirmer leur soutien aux Palestiniens de Gaza qui font face au déluge de feu israélien depuis le 7 octobre dernier. Selon le média israélien i24news, plus de 10 000 personnes ont manifesté ce dimanche à Rabat pour dénoncer une « guerre d’extermination » des Palestiniens et la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.

Le Maroc était le quatrième pays, après les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Soudan, à signer pendant l’année les accords d’Abraham négociés sous l’égide de l’administration de l’ancien président américain Donald Trump. Le Roi Mohamed VI avait accepté de franchir le pas en contrepartie de la promesse de la reconnaissance américaine de la « souveraineté » du Maroc sur le Sahara occidental. Il escomptait aussi une intensification de la coopération militaire et sécuritaire avec l’État hébreu.

Pourtant, trois ans après, à l’heure des bilans, le Makhzen fait plutôt profil bas. L’opération « Déluge d’Al Aqsa » déclenchée par le Hamas palestinien le 7 octobre dernier a faussé les calculs du camp de la normalisation, particulièrement du Maroc dont l’opinion publique est foncièrement acquise à la cause palestinienne.

Un Objectif Non Atteint

La normalisation s’apparente en fait à un fiasco pour le Palais royal, notamment concernant son principal objectif qui est de faire accepter à la communauté internationale sa politique de fait accompli au Sahara occidental. La déclaration de Donald Trump n’a pas provoqué l’effet domino escompté chez les autres puissances occidentales et mondiales. Aucun autre pays, hormis Israël, n’a reconnu la souveraineté marocaine sur les territoires occupés.

Trois ans après, la question du Sahara occidental est toujours inscrite à l’agenda de la décolonisation des Nations-Unies et le monde continue de considérer le territoire comme « la dernière colonie d’Afrique ». Même la reconnaissance américaine n’est pas tout à fait un acquis puisque le président Joe Biden, entré en fonction quelques semaines après la signature de l’accord de normalisation, traine le pas pour honorer les engagements de son prédécesseur envers le Maroc.

Il refuse d’ouvrir un consulat américain à Dakhla, s’oppose à la tenue des manœuvres conjointes African Lion au large du Sahara occidental et les représentants de son administration retrouvent de plus en plus une rhétorique équilibrée quand ils s’expriment sur la question.

La Normalisation : Dividendes Hypothétiques et Pertes Réelles

Pendant ces trois dernières années, Israël et le Maroc ont intensifié leur partenariat militaire et sécuritaire. En novembre 2021, ils ont signé un protocole de coopération en matière de défense, présenté comme « sans précédent » car il s’agissait du premier accord du genre que signait l’État hébreu avec un des six pays arabes avec lesquels il entretient des relations diplomatiques.

Le Maroc escomptait obtenir des armes israéliennes et tirer profit du savoir-faire israélien dans le domaine de l’armement et des technologies d’écoute et d’espionnage, mais l’attaque du 7 octobre a remis en question la supposée supériorité d’Israël en la matière. Ses services de renseignement n’ont pas vu venir les quelques dizaines de combattants du Hamas qui ont pu opérer en profondeur dans le territoire israélien, tuant 1200 personnes et prenant plus de 250 otages.

Si les dividendes du Maroc sont donc hypothétiques, ses pertes des suites de la normalisation sont, elles, bien réelles. Les autorités du royaume se sont retrouvées complètement en porte-à-faux avec les aspirations de la population, viscéralement attachée à la cause palestinienne.

La Réalité de l’Opinion Publique

Les services marocains ont eu recours au subterfuge des faux comptes sur les réseaux sociaux pour faire croire que le choix de la normalisation était partagé par la population. Ce qui a été doublement démenti. D’abord par des enquêtes d’organismes indépendants, comme le DFRLab basé aux États-Unis ou encore la plateforme Eekad (Qatar) qui ont mis au jour l’existence de milliers de faux comptes sur différents réseaux sociaux qui répercutent les positions de l’État marocain, puis par la rue elle-même.

Depuis le début de l’agression israélienne contre la bande de Gaza, les marches de soutien au peuple palestinien ne s’estompent pas, malgré la répression. Les manifestations organisées à travers le royaume, notamment à Rabat et Casablanca, comptent parmi les plus imposantes qui ont eu lieu dans le monde en soutien à la cause palestinienne. La dernière marche a eu lieu ce dimanche à Rabat, trois ans après la normalisation des relations entre Israël et le Maroc. Tout un symbole.

 La Normalisation en Question

Trois ans après la normalisation entre le Maroc et Israël, les résultats sont en deçà des attentes du Palais royal. Si sur le plan diplomatique, la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental a été obtenue en échange de cette normalisation, sur le plan international, cette reconnaissance est loin d’avoir été entérinée par le reste du monde.

La population marocaine, quant à elle, demeure profondément attachée à la cause palestinienne, et les manifestations de soutien au peuple palestinien continuent de rassembler des milliers de personnes dans les rues du royaume. La normalisation avec Israël reste donc un sujet de discorde interne et international pour le Maroc, et les dividendes escomptés semblent bien lointains.

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