Non messieurs, vous n’êtes pas « sacrés » Par Abdou Semmar

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Le « sacré », c’est le nouveau refuge du régime algérien pour justifier ses atteintes aux libertés publiques. Le « sacré », c’est son nouvel alibi pour inventer une légitimité qui lui a toujours été déniée. Le « sacré », c’est le nouveau costume cousu sur mesure par nos décideurs en quête d’une virginité perdue depuis l’aube de notre indépendance.

Et c’est ainsi que le président de la République est devenu une « institution sacrée » pour les Algériens, d’après notre glorieux Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui nous a donc assigné à de nouveaux devoirs religieux sans nous consulter. Sellal n’a demandé l’avis d’aucun d’entre nous pour déclarer, devant un parterre de journalistes étrangers, que le sieur Abdelaziz Bouteflika est devenu « un personnage sacré ». Les mots ont un sens. Un sens très lourd. Convenons tout de même que cela fait des années que notre Sellal national a perdu son bon sens. Mais de là à ériger le non-sens en culte national, une ligne rouge -pour reprendre une expression chère aux hommes du régime- vient d’être franchie.

Le Monde, le quotidien français dans les colonnes duquel le régime algérien faisait sa propagande, est décrété indésirable pour avoir osé publier à la Une, la photo du seigneur Bouteflika. L’information est, convenons-en, erronée puisque le nom du Président ne figure pas dans les révélations du Panama Papers, mais cette erreur n’est ni blasphème ni un sacrilège. Un ministre et des proches d’Abdelaziz Bouteflika sont cités et détiennent des sociétés offshore, chose catégoriquement interdite par la loi algérienne. Cette même loi sur laquelle est censé veiller le seigneur Bouteflika. Le sacrilège, le blasphème consiste à violer des lois et des principes éthiques sacrés dans une société en quête d’harmonie. Cependant, ce bon sens relève de l’utopie en Algérie, où les intérêts personnels et l’ego des dirigeants prennent le dessus sur l’intérêt général.

Non, ce n’est pas la fortune cachée de monsieur Abdesslam Bouchouareb, l’ex-directeur de communication de la campagne d’Abdelaziz Bouteflika, qui pose problème. Non, ce n’est pas le parcours chaotique dans les paradis fiscaux des commissions des contrats pétroliers qui posent problème. Non, ce n’est la société offshore du fils du défunt Président Chadli Bendjedid qui pose problème. Ce n’est pas la fuite des capitaux et des précieuses devises qui posent problème.

Aux yeux du régime, c’est l’égratignure faite à l’image -d’ailleurs surfaite- du seigneur Bouteflika qui pose problème. Comment a-t-on osé violer à sa « sacralité ». Bouchouareb ? C’est un autre « symbole de l’Etat ». Et il est interdit de s’attaquer aux « symboles de l’Etat ». Nos dirigeants ont cessé donc d’être des êtres humains. Ils sont devenus des symboles, des objets de culte. Des dieux! Ces conceptions archaïques nous ramènent aux temps les plus obscurs de l’humanité. Une pensée désuète qui évoquent les misères des monarchies absolutistes ébranlées par la modernité. Et pourtant, les Bouchouareb, Sellal et Bouteflika sont tous nés au pays des Didouche Mourad, Hassiba Ben Bouali, Larbi Ben M’hidi et Emir Abdelkader. Les Bouchouareb, Sellal et Bouteflika n’ont pas accompli le millième de ce que les Didouche Mourad ou les Larbi Ben M’hidi ont accompli durant leur vie dédiée leur pays. Les Bouchouareb, Sellal et Bouteflika n’ont pas subi le millième des souffrances endurées par les Larbi Ben M’hidi et l’Emir Abdelkader pour leur engagement en faveur de l’Algérie.

Et pourtant, ni Larbi Ben M’hidi, ni Hassiba Ben Bouali ou encore Didouche Mourad n’ont eu la prétention d’être sacralisés. Ils n’ont pas non plus fait oeuvre de sacrifice pour un pays où le Chef serait « sacré », à l’abri de toute critique. Ils se retourneraient dans leur tombe s’ils pouvaient prendre connaissance du discours insensé de Sellal. C’est celle-là la vérité. Et quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie.

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