Tunisie. Ben Ali candidat à sa succession : "Il Divo"

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tu C’est fait. Sous l’insistance des composantes du peuple, Ben Ali a déposé le 26 août sa candidature à l’élection présidentielle de 2009. Suspense garanti.
Les Tunisiens, poussière d’individus, voient le monde tel qu’il est et disent : « Pourquoi ? ». Seul le général Ben Ali, descendant direct d’Hannibal Barka, soixante quinze ans et soixante quinzième du nom, voit le monde tel qu’il pourrait être et dit : « Pourquoi pas ? »Est-ce que ce Général a dit ça, la nuit du 6 novembre 1987, cloîtré dans son cagibi, en fomentant son coup d’état médical contre Bourguiba ? Est-ce qu’il a dit ça, le 26 mai 2002, lorsqu’il a modifié la constitution et a dépecé ce qui reste de la république pour se maintenir au pouvoir jusqu’à la mort et instaurer sa Dictature 1ère en catimini ? Le pouvoir mort ou vif.

Bien sûr, on aurait pu vous présenter des « pourquoi pas » des plus saignants. Des plus salauds, des plus bourreaux, des plus corrompus, des plus pornos, des plus torturés, des plus masos, des plus ensanglantés. On en reste là. Sur votre faim. Car la question qui torture les Tunisiens, depuis que Ben Ali a eu un héritier mâle, est ailleurs : on a cassé des œufs pour faire une omelette, mais avec cette omelette, comment faire des œufs ? Ben Ali est dans le secret. Ce n’est pas parce qu’il est l’élu, mais parce qu’il est le seul. Le dernier des Mohi… Un président d’Avant les présidents. Un président qui vit dans des palais de Gulliver et dépense en une heure ce que dépensent en une décennie les gens de Gafsa. On lui doit tout : les ponts, les prisons, les moutons, sauf peut-être les guerres puniques. Ben Ali un homme parmi les hommes ? J’en doute. Il est initié à camoufler ses atours, ses goûts. Il avance affublé d’un faux nez. Un prédateur qui ricane. Cet homme est un mutant, une menace pour notre race. Il se suffit à lui-même, telle une cellule qui s’engendre d’elle-même. Son monde est à mille bornes au-dessus de nos têtes et à vingt mille lieues sous la mer, un Atlantide, un sixième lieu où on ne fait que des rencontres du troisième type. Un autiste qui ne partage rien avec nous, peut-être l’ennui. Puis ? Un point d’interrogation qui est en soi, déjà, une aventure. Le désert ? L’au-delà de l’errance ? S’en contenter ? Oui ! Puisque ce vers d’un poète inconnu que Thomas Harris aime citer le rappelle assez : « Vous auriez pensé que pareil jour frémirait de se lever… »

Pour refaire des oeufs à partir d’une omelette, ce n’est pas sorcier. Il suffit d’avoir la bonne posture. C’est comme dans l’Ombre du Guerrier d’Akira Kurosauva, ce sosie du seigneur (shogun), cet imposteur, ce voleur de poules qui a régné sans demander son reste. Dites Chiwawa…

Ben Ali le dit à merveille. Il a commis l’acte en 87, 89, 94, 99,2004. 2009 est une simple formalité. La montagne ne bouge pas. Qui dit mieux ? Par sa prouesse il a ameuté la terre entière, tendu toutes les ondes, convoqué tous les diseurs de louanges et d’aventures peu ordinaires, déployé les milles feux de toutes les étoiles. Un slogan qui lui va comme un gant : « Chérissez votre Usein Bolt local ». Et puis et puis… Tunisie lasse. Les résultats, les gros titres ronflants, tout est prévu. L’après Benalisme a commencé non pas avec Ben Ali, mais sous Ben Ali.

La Tourbe veut un autre tour : faire une omelette sans casser les œufs. Le beurre et l’argent du beurre. Caprice des récalcitrants. « Pourquoi ? », dit Ben Ali. « Le pourquoi pas ? » ne vient pas . Les acclamations aussi tardent à venir. Quelle déconvenue ! Ben Ali croyait parler la langue de toutes les langues. Et voilà que personne ne le comprend. Il éructe, il jappe, il aboie. Il voulait expédier tous les exploits de tous les temps dans l’au-delà et ‘ya personne pour s’évanouir d’extase. Pas de concurrent. Ou si. Des prétendants qui soutiennent sa candidature. Pas d’adversaire, pas de règle, pas de public. Il joue seul à seul. Pour lui tout seul. Ca l’excite. Au rancart, les hordes de va-nulle-part, les pédés, les allumés, les dinosaures, les fouineurs, les vendus, les casse pieds et les malappris. Il veut son fin de règne qui s’éternise racé, propre, intégriste, ciblé, friqué. Un rêve de Pacha le chat. Il a décidé : la Tunisie a raté son épopée, elle sera dézinguée. Il a choisi une date brûlée, comme on choisit un trou de cul perdu pour mieux mirer sa quincaillerie, son blabla et ses éclats de cinglé. Rien ne doit le distraire de la contemplation de sa superbe. Avant même le coup d’envoi, il disqualifie tout le pays. Que faire de plus pour garder la chose ? Viva Ben Avi.

Taoufik Ben Brik
(nouvelobs)

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