Turquie – Israël : Entre Rhetorique Anti-Israélienne et Relations Commerciales Florissantes

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Turquie – Israël : Entre Rhetorique Anti-Israélienne et Relations Commerciales Florissantes

La Turquie, pays au carrefour de l’Orient et de l’Occident, s’est imposée ces dernières années comme l’une des voix les plus critiques à l’encontre d’Israël et de son gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahu.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan n’a pas mâché ses mots, allant jusqu’à comparer Netanyahu à Adolf Hitler. Mais derrière cette rhétorique acerbe, la Turquie entretient des relations commerciales florissantes avec l’État hébreu. Cet étrange paradoxe soulève des questions sur la véritable nature des relations entre les deux pays et sur la capacité d’Erdogan à transformer ses discours en actions concrètes.

La Rhétorique Anti-Israélienne d’Erdogan

Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza le 7 octobre 2023, Erdogan n’a pas ménagé ses critiques envers Israël. Ses déclarations véhémentes ont suscité des réactions acerbes du gouvernement israélien. Le 27 décembre, Erdogan a même comparé Netanyahu à Hitler, une déclaration qui a provoqué une réponse cinglante de l’État hébreu. Ces échanges tendus ne sont pas nouveaux, et les tensions entre les deux pays se sont intensifiées au fil des mois.

Le 28 octobre, Israël a rappelé ses diplomates à Ankara après des accusations d’Erdogan qualifiant Israël de criminel de guerre. Le 4 novembre, c’était au tour de la Turquie de rappeler son ambassadeur à Tel-Aviv. Le 8 décembre, Erdogan a accusé Israël de pratiquer un « terrorisme d’État » et a exprimé la détermination de son pays à mettre fin à la tragédie en cours à Gaza.

Les Relations Commerciales Intenses

La Turquie a entretenu des relations avec Israël depuis 1949, mais la rhétorique d’Erdogan vis-à-vis d’Israël a atteint un niveau sans précédent ces derniers mois. Pourtant, malgré cette hostilité apparente, les relations commerciales entre les deux pays sont en plein essor. En 2022, les échanges entre la Turquie et Israël ont atteint 9 milliards de dollars, témoignant de leur interdépendance économique.

La Turquie fournit à Israël 10% de ses besoins en produits sidérurgiques, et les navires turcs continuent à livrer à l’armée israélienne des vêtements et des produits alimentaires, y compris une entreprise appartenant à Burak Erdogan, fils du président turc. De plus, Ankara laisse se poursuivre la fourniture d’armes américaines à Israël via la base d’Incirlik, située sur le territoire turc.

Les Leviers de Pression Inutilisés

La question qui se pose alors est la suivante : pourquoi Erdogan n’a-t-il pas encore actionné les leviers de pression dont dispose la Turquie sur Israël ? En tant que pays musulman et dirigé par un parti issu de la mouvance des Frères musulmans, Erdogan pourrait exercer une pression significative sur Israël.

Parmi les leviers économiques et stratégiques, on trouve la perturbation du trafic maritime dans la Mer Rouge, où les Houthis du Yémen attaquent les navires ayant un lien avec Israël depuis le 19 novembre. De plus, 40% du pétrole azerbaïdjanais destiné à Israël transite par les ports turcs, et 7% de l’électricité consommée en Israël est fournie par la Turquie.

Business is Business

L’étrange dichotomie entre la rhétorique anti-israélienne d’Erdogan et les relations commerciales florissantes entre la Turquie et Israël révèle une réalité complexe. Malgré les crises diplomatiques et les déclarations incendiaires, les liens économiques entre les deux pays restent solides.

Comme l’a souligné Cengiz Aktar, professeur à l’université d’Athènes, les nombreuses crises passées entre Ankara et Tel-Aviv n’ont « jamais, jamais, altéré ou changé quelque chose à la relation commerciale et économique » entre les deux pays. Cette réalité met en lumière la notion selon laquelle, dans les relations internationales, « business is business », même lorsque des enjeux aussi cruciaux que la paix au Moyen-Orient sont en jeu.

Dans un contexte mondial de plus en plus complexe, l’équilibre entre intérêts économiques et convictions politiques continue de façonner les relations internationales, et la Turquie et Israël ne font pas exception à cette règle.

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