Un prêt de la BEA investi au Congo par des Australiens

0
Gold Mining of Algeria

Cette escroquerie monumentale est le fait de son actionnaire majoritaire GMA, Gold Mining of Algeria, une société mixte algéro-australienne. Elle a coûté au Trésor public 67 millions de dollars. Comment ?

L’indifférence du ministre de l’Énergie et des Mines et l’omerta affichée par la direction générale quant au règlement de la situation de l’entreprise nationale de l’exploitation des mines d’or (Enor) ont contraint les 598 employés à entamer, depuis jeudi, une grève illimitée en signe de protestation contre ce qu’ils qualifient “d’arnaque et de sabotage”.

Toutes les activités de l’entreprise traversant une situation financière des plus catastrophiques sont ainsi suspendues jusqu’à ce que “nos problèmes soient entièrement résolus”, insiste le représentant du collectif des travailleurs, en précisant que ce débrayage est largement suivi par les personnels qui dérogeront forcément au rituel du sacrifice, puisqu’ils n’ont pas perçu leur salaire depuis plus de trois mois, pendant que “les vénaux responsables sans scrupule se permettent des soirées arrosées dans des hôtels de luxe et s’arrogent le droit de louer des aéronefs à 300 millions DA/voyage pour transporter les minerais extraits de Tamanrasset, sans compter les frais générés par la prise en charge du pilote et de son équipage qui séjournent jusqu’à 10 jours à Tamanrasset au aux dépens de l’entreprise. En somme, le montant annuel s’élève à 11 milliards de dinars”, a-t-il maugréé.

“Nous avons saisi toutes les autorités compétentes et tous ceux qui ont un lien direct ou indirect avec l’entreprise et nous leur avons même signalé des choses à vous couper le souffle, telles que les sommes faramineuses dépensées mensuellement pour la prise en charge de moins de 30 employés qui se trouvent actuellement à Alger et dont le montant est modéré, tenez-vous bien, de l’ordre de 100 millions de centimes, pendant que les travailleurs de la mine d’Amasmassa, sise à 500 km de Tamanrasset, se nourrissent de pâtes, de lentilles et d’un pain congelé de plus de 30 jours”, enchaîne un autre employé.

Mauvaise gestion et incompétence

Le même employé dénonce non sans dépit : “La mauvaise gestion et l’incompétence des responsables de l’entreprise qui effectuent des dépenses inutiles pour légaliser diaboliquement les détournements qui sont à l’origine des difficultés financières qui paralysent l’entreprise. Si on fait un simple calcul, depuis 2001 à ce jour, et sur une moyenne de production mensuelle de 60 kg par mois extraits des gisements aurifères de Tirek et d’Amasmassa, l’Enor n’aura jamais besoin de recourir à un prêt bancaire ni à s’endetter pour régler ses charges d’exploitation, sachant que depuis mon recrutement en 2008, je n’ai perçu aucune prime sur le bénéfice de l’entreprise ni autre indemnité afférente. Nos rappels de traitements ne sont toujours pas régularisés à défaut de liquidités. Où est donc passé l’argent de l’entreprise ?”. Pour répondre à cette question énigmatique, le responsable de la section syndicale de l’entreprise, Boukhami Moussa, demande d’“ouvrir une enquête parce qu’en réalité le problème des arriérés de salaires n’est que la goutte qui fait déborder le vase.

Le scandale de l’Enor remonte à l’ère de l’ex-ministre de l’Énergie et des Mines, Chakib Khelil, qui a tourné complètement le dos au syndicat, en dépit des dépassements signalés à l’arrivée de l’actionnaire australien Gold Mining of Algeria (GMA), associé à 52% dans l’Enor, et qui ne respecte pas les termes des conventions cosignées par l’inspection du travail, la direction générale et la section syndicale affiliée à l’UGTA, particulièrement les articles concernant les rémunérations, la sécurité, la médecine du travail, les heures supplémentaires et le transport des travailleurs. Les droits des travailleurs de l’entreprise sont entièrement bafoués, pendant que les responsables infatués se permettent de dépenser jusqu’à 12 milliards de centimes pour régler les frais de mission engagés à titre de convenance et de complaisance avec l’administration”.

Le prêt de la BEA investi au… Congo !

Ils sont unanimes à déclarer que l’Enor est victime d’une arnaque monumentale de la part de son actionnaire majoritaire GMA. Une arnaque, a-t-on souligné, qui a coûté au Trésor public la somme de 67 millions de dollars. Comment ? Après la découverte du gisement d’Amasmassa, l’ex-P-DG de GMA a demandé un prêt à la BEA. Auparavant, il avait qualifié ce gisement de la plus importante mine d’or en Afrique après le Congo, et qui peut produire jusqu’à 4 000 kg d’or par an, soit 250 kg par mois. Cependant, cette annonce n’est en fin de compte qu’un grand mirage, puisqu’en réalité la mine d’Amasmassa ne produit qu’entre 20 et 60 kg d’or par mois.

Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ? La BEA a désigné un bureau d’études, et les experts, qui se sont rendus à Tamanrasset pour vérifier la véracité des données fournies par la société australienne, ont obtenu des résultats montrant que les mines de Tirek et d’Amasmassa ne peuvent pas atteindre cette production, et ont, pis encore, révélé que l’investissement dans ces régions est infructueux. “Malheureusement, en dépit de ces résultats, la société a obtenu ce prêt. Une fois en possession de l’argent, elle a quitté l’Algérie et s’est installée au Congo. Ces Australiens nous ont surexploités. On travaillait 12 heures/jour et on n’avait que la pause déjeuner pour reprendre notre souffle. Pour deux agents d’exécution, sept responsables peinards leur mettent la pression afin d’assouvir leur appétit vorace et par ricochet satisfaire leur supérieur atteint de fièvre jaune. Si tu parles, tu quittes la base illico presto et sans indemnisation. Le comble est que l’entreprise a fait appel à des sous-traitants pour travailler également 12h/jour à raison de 8 000 DA/heure, mais ils ne sont guère rentables. La mauvaise gestion des dirigeants est, davantage encore, confirmée par l’importation de matériel à coups de milliards sans pour autant pouvoir faire face aux besoins de la mine qui fonctionne très en deçà de ses capacités réelles”, se lamente-t-on.

Les protestataires se préoccupent de leur avenir en clouant au pilori les responsables de cette entreprise qui risque de faire faillite. À ce titre, le directeur des opérations par intérim de la mine d’Amasmassa, joint par téléphone, dira : “Il y a des responsables mieux placés pour demander une enquête ou engager une commission afin de mettre un terme aux spéculations qui tournent autour de cette entreprise.” Et d’ajouter : “Il n’est pas question de fermer l’Enor à cause du départ de son partenaire australien, car elle dispose de réserves d’or très importantes en mesure de couvrir toutes ses charges d’ici au mois de février 2012. Et nous avons jusqu’à 250 t d’explosifs dans le magasin destinés aux explorations prochaines.” Évoquant le problème des salaires, il a assuré que “la production du mois précédent, qui est de 26 kg d’or évaluée à 13 milliards DA, est destinée à la régularisation des rétributions des travailleurs”.

Revenant au mouvement de grève qui causera certainement des pertes à l’Enor, le directeur des opérations a tenu à préciser que “la section syndicale doit faire la différence entre un sit-in et une grève qui nécessite toute une procédure avant de l’entamer. Le syndicat a prévu un sit-in et n’a donné aucun préavis de grève. Les employés qui n’ont donc pas rejoint leur poste sont considérés absents et seront sanctionnés en application de la réglementation en vigueur”.

In Liberté
*Le titre est de la Rédaction

Article précédentLes Algériens champions des jours de vacances
Article suivantInondations de Chlef / le corps d’une dixième victime retrouvée