En Algérie, seul Maradona a le droit d’embrasser en public sa copine

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Après la main de Maradona, c’est le baiser de Maradona qui va entrer dans l’histoire. Mais, cette fois-ci, ce n’est pas de la grande Histoire dont il s’agit. C’est uniquement une simple histoire de mœurs, qui défraie la chronique dans une société en pleine tourmente sexuelle et sentimentale. 

Le baiser public, en Algérie, c’est un interdit, qui ne dit pas son nom. C’est une atteinte à la morale et à la pudeur. Les amoureux, qui osent s’embrasser, s’enlacer et unir leurs lèvres, sont réprimandés et rappelés méchamment à l’ordre. Certes, on emprisonne pas un couple pour un baiser comme au Maroc, mais le rappel à l’ordre peut être sévère. Il est, surtout, stigmatisant. Le baiser, ce geste sensuel, est banni de l’espace public en Algérie. Mais voila qu’une star planétaire vient de le réhabiliter brutalement sans prendre la moindre précaution d’usage. Diego Maradona ne connaît pas les tabous de la société algérienne. Il ne veut, surtout, pas les connaître ou les comprendre. Dans un mouvement furtif, Maradona se penche vers sa dulcinée pour lui délivrer un baiser presque aussi acrobatique que les dribbles chaloupés,  avec lesquels il enchantait la planète entière sur un terrain de foot.

Une morale à deux vitesses

La scène, aussi étrange que dérangeante, a frappé les esprits d’autant plus qu’elle se déroule juste sous les regards gênés et éberlués des ministres algériens présents à la cérémonie organisée par l’opérateur de téléphonie mobile Mobilis à l’occasion du lancement de la 3G en Algérie. Un lancement officiel parrainé par la star internationale du ballon rond. Et pour ce déplacement très médiatisé à Alger, Maradona aurait empoché un chèque d’un million de dollars. En plus d’un burnous offert et d’un dîner officiel luxueux ainsi qu’un accueil en grande pompe, Maradona a eu le privilège d’embrasser sa copine en public sans qu’aucun agent de l’ordre ne vienne l’inquiéter ou lui demander des comptes.  Aucun des ministres présents à la table de la star argentine n’a osé intervenir pour rappeler les bienfaits de la morale publique algérienne prônée et défendue par les autorités politiques. Ni le ministre des Sports et de la Jeunesse, ni la ministre des télécommunications n’ont pipé mot face à cette scène « hallucinante », qui a affolé les réseaux sociaux. « Maradona encaisse un million de dollars et insulte notre religion », se sont insurgés les commentaires les plus virulents. Leur indignation est, peut-être, compréhensive. Toutefois, c’est le comportement hypocrite des dirigeants politiques, qui a davantage choqué une opinion publique révoltée par cette morale à deux vitesses, censée régir la société algérienne.

On laisse faire une star, on détourne son regard et on fait mine de ne pas avoir vu ce baiser dérangeant. Mais quand il s’agit de simples amoureux, de pauvres citoyens algériens, on crie au scandale, on sort ses griffes et on met en exergue ses connaissances préliminaires du Coran. Les gardiens de la morale en Algérie ont, tout compte fait, dévoilé leur grande hypocrisie face au baiser de Maradona. Les étrangers puissants, les stars, les intouchables, les riches, les people grassement payés pour venir fouler le sol algérien, ces gens-là échappent à la morale algérienne. Ces gens-là, ces privilégiés, bénéficient d’un autre traitement. Pas comme ces jeunes algériens, de la poussière dans l’atmosphère, à qui on refuse d’abord un baiser en public, mais surtout la liberté de vivre comme ils l’entendent, en déconstruisant une pensée unique façonnée par les traditions arriérées. Heureusement que Maradona n’a pas été invité à Alger en plein Ramadhan… Avec lui, qui aurait certainement déjeuné publiquement, c’est tout un dogme religieux qui serait devenu caduc. Et bien-sûr, nos dirigeants lui auraient trouvé aussi des excuses. Pas comme ces non-jeûneurs algériens qu’on culpabilise, diabolise et jette en prison.

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