Entretien (presque) imaginaire avec Ben Ali

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Près d’une Oasis dans le désert d’Arabie, le lieu est tenu secret, je rencontre dans une villa d’hôte, Ben Ali, vêtu d’une gandoura et qui juste après sa prière, nous accorde un entretien.

Moi : Monsieur le président vous êtes devenu très pieux, pour demander pardon au bon Dieu ?

Lui : En effet que Dieu me pardonne mon laxisme avec les islamistes alors que j’avais tous les pouvoirs. Je ne savais pas que mes prisons allaient devenir l’Ecole Nationale d’Administration, fournissant tous les cadres politiques de la Tunisie post-printemps arabe. Ils mènent le pays au bord de l’implosion.

Moi : Vous ne pouvez nier votre part de responsabilité, votre long règne n’a jamais été démocratique.

Lui : Le 7 novembre 1987, j’ai fait un coup d’Etat contre un grand homme, Bourguiba mais qui était devenu sénile, âge avancé oblige. Mon départ était un coup d’Etat pour me remplacer, en fin de compte, par un sénile qui de surcroit n’a jamais été élu à ce poste, même avec fraude. Les autres dirigeants qui aspirent à diriger la Tunisie sont tous octogénaires, c’est ça une révolution de jeunes ?

Moi : C’est un peu court comme vision de la Tunisie actuelle. Pouvez-vous développer ?  

Lui : Pour éviter toute polémique, je prends du recul et je vous invite à lire l’ouvrage d’un de mes anciens opposants, Mezri Haddad (qui a démissionné avant mon départ pour l’Arabie Saoudite) : « La face cachée de la révolution tunisienne » qui narre la conspiration dont j’étais la victime et par ricochet, toute la Tunisie.

Moi : En tant que dictateur hors pair, vous pouvez difficilement passer pour une victime.

Lui : Le plus important maintenant sont les conséquences néfastes que subit la Tunisie. Un autre auteur qui n’est pas franchement un ami, Nicolas Beau, il révèle : « quelques 10.000 à 12.000 jeunes militants nahdhaouis s’entraînent au remaniement des armes dans des camps spécialisés, à travers tout le pays ».

Moi : Ces informations sont difficilement vérifiables d’une part et d’autre part n’excusent pas votre bilan de 23 ans de pouvoir sans partage.

Lui : Ce qui est malheureusement certain, à peine deux ans de règne islamiste et la Tunisie connait pour la première fois depuis son indépendance des assassinats politique. Le pays vit un état d’Urgence sans cesse prorogé. La crise politique ne connait pas d’issue sauf si on fait appel à mes anciens collaborateurs comme Monsieur Morjane qui a été mon dernier ministre des affaires étrangères.

Moi : Vous ne pensez quand même pas que certains de vos anciens ministres feront appel à vous ?

Lui : Non, pourtant je sais que de nombreux Tunisiens commencent à me regretter. J’ajoute quand j’étais président j’avais 300.000 amis sur Facebook et qui ont toujours de l’influence. Je ne vais pas nommer les personnalités les plus imminentes qui cliquaient sur « j’aime » avant que je ne finisse de rédiger mon post.

Moi : Qu’avez-vous à dire sur la prédation de votre belle famille ?

Lui : Il y a eu certainement des excès regrettables. J’en avais pas mesuré l’ampleur. Le silence de l’Occident et de la majorité des intellectuels a consolidé mon aveuglement. Les seules voix audibles, lors de mon règne posaient la question si La Tunisie était dirigée par une coiffeuse, allusion à ma deuxième épouse, Leila ! Alors que c’est maintenant le moment pour que la Tunisie soit présidée par un barbier qui doit raser, sans tendresse particulière, toutes ces barbes hirsutes qui tapissent les hauts lieux de la république.

Moi : Comment vivez-vous votre retraite anticipée ?

Lui : assez sereinement, je suis sur les terres saintes alors que mes autres homologues ont plutôt mal fini : lynchage, emprisonnement et autres joyeusetés dont les révolutionnaires du printemps arabe sont spécialistes.

Moi : Monsieur le président à l’issue de cet entretien, je vous livre l’avis d’un de mes amis sur votre pays : « la Tunisie est un pays indépendant parce que personne ne dépend de la Tunisie ».  

Naoufel Brahimi El Mili

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