L’Algérie, une société sans citoyens

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Ces dernières années, l’Algérie vit sous le règne de la maladie, des crises de pouvoir et de confiance. Pendant de longues années, l’Algérie a recherché un symbole de la vertu et de la raison. En vain, car sa quête semble interminable au regard de son actualité bouillonnante, de laquelle se dégage chaque jour un parfum nauséabond de scandale.

Mais en Algérie, il n’y a pas que les institutions, le président de la République ou les appareils de l’Etat qui sont profondément malades. Les Algériens, ce peuple bizarre qui aime dénoncer mais n’agit que rarement, qui aime se plaindre à longueur de journée sans rien proposer en retour, sont également dans un état comateux.

Leur indifférence est devenue une religion nationale et leur fatalisme une véritable philosophie de vie. Ils égrènent les jours de leur vie comme si le sort de leur pays ne les concernait guère. Pas plus tard que mercredi dernier, la Banque Africaine de Développement a révélé que plus de 173 milliards de dollars ont été transférés illégalement de l’Algérie vers l’étranger entre 1980 et 2009.

Un chiffre effarant qui n’a soulevé aucune vague d’indignation dans notre pays. Rares sont les concitoyens qui ont interpellé leurs parlementaires élus ou leur gouvernement pour leur exiger des explications. Toute cette incommensurable fortune est partie en fumée sans que cela n’émeuve personne. Qui l’eût cru ? Mais tels des patients anesthésiés, cela fait longtemps que les Algériens ne réagissent plus. Plus rien ne les choque, ne les indigne ou les exaspère. La mort, la corruption, la répression des libertés publiques, l’intolérance, le fanatisme religieux, tout est devenu banal.

A voir de près, on est tenté de dire que l’Algérie est un pays sans citoyens. Une société endormie par je ne sais quel gaz soporifique. Certes, des émeutes éclatent de temps à autre, des protestations populaires tentent de dénoncer les injustices, mais elles n’aboutissent jamais à ce changement tant espéré. Pis encore, ces mouvements de colères populaires ne sont mus que par l’appât du gain. Tout le monde veut sa part des richesses nationales en Algérie. Mais très peu de personnes présentent des projets viables et sérieux pour créer de la valeur et de la richesse.

Le pétrole, tous les Algériens veulent le pomper. Chacun réclame son baril. Mais quand il s’agit de l’édification de l’avenir du pays, les Algériens se cousent les lèvres et entament la grève de l’imagination. « Pourquoi une diatribe aussi pamphlétaire ? », me lancent mes détracteurs. L’Algérie est aujourd’hui radicalement différente de ce qu’elle fut auparavant. Et quoi qu’il en soit le régime en place gouverne un pays paradoxalement libre, me disent les bien-pensants.

A les entendre, la prospérité et la stabilité d’un pays se calculent uniquement lorsque ses habitants ont les moyens de le quitter et d’y revenir quand ils le veulent. La réalité du monde est, malheureusement, toute autre. Le voyage à travers notre grand pays est moins riant : on y est confronté à la réalité économique d’un pays qui apparaît sinistré au marcheur qui le traverse et ne jette pas un regard seulement aux enivrantes fleurs multicolores qui entreprennent parfois à elles seules de mettre de la lumière, de la chaleur et des couleurs dans un paysage que les cieux persévèrent à bouder.

 Il n’est pourtant pas possible de se résigner à ce que des populations entières n’aient d’autre avenir qu’une solidarité nationale qui s’étiole, la frustration et le désespoir. L’Algérie d’aujourd’hui a plus que jamais besoin de ses enfants. Elle n’a pas besoin uniquement d’un nouveau Président ni d’une nouvelle République, elle a surtout besoin que ses enfants se réveillent de leur léthargie afin qu’ils daignent devenir enfin des vrais citoyens.

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