Le marché informel produit de l'incohrence dans la réforme globale de l'Algérie.

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inf Suite à mes précédentes publications relative à l’essence de l’inflation, la répartition du revenu national et son impact sur la détérioration du pouvoir d’achat des Algériens, je me propose dans cette modeste contribution d’analyser un sujet stratégique qui a des répercussions à la fois politiques et socio-économiques, le fondement de la sphère informelle et ses liens dialectiques avec la régulation globale en Algérie à partir de six axes directeurs.

1. Premièrement comment définir la sphère informelle ?

Le concept de «secteur informel» apparaît pour définir toute la partie de l’économie qui n’est pas réglementée par des normes légales.. En marge de la législation sociale et fiscale, elle a souvent échappé à la Comptabilité Nationale et donc à toute régulation de l’État, encore que récemment à l’aide de sondages, elle tend à être prise en compte dans les calculs du taux de croissance et du taux de chômage. Il y a lieu de différencier la sphère informelle productive qui crée de la valeur de la sphère marchande spéculative qui réalise un transfert de valeur.

L’économie informelle est donc souvent qualifiée de « parallèle », « souterraine », « marché noir » et tout cela renvoie au caractère dualiste de l’économie, une sphère qui travaille dans le cadre du droit et une autre sphère qui travaille dans un cadre de non droit, étant entendu que le droit est défini par les pouvoirs publics en place. Pour les économistes, qui doivent éviter le juridisme, dans chacune de ces cas de figure, nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire, du crédit et du taux d’intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste , la formation des prix et des profits dépendant dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés,la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l’environnement international ( la sphère marchande étant en Algérie mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et en dernier lieu leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature de leur rapport à l’Etat, le paiement de l’impôt direct étant un signe d’une plus grande citoyenneté, les impôts indirects étant injustes par définition puisque étant supportés par tous les citoyens riches ou pauvres.

Aussi, l’économie informelle est réglée par des normes et des prescriptions qui déterminent les droits et les obligations de ses agents économiques ainsi que les procédures en cas de conflits ayant sa propre logique de fonctionnement qui ne sont pas ceux de l’Etat, nous retrouvant devant un pluralisme institutionnel/juridique contredisant le droit traditionnel enseigné aux étudiants d’une vision moniste du droit. Ces pratiques informelles ont des impacts sur la régulation économique et sociale globale de tout système. Cette hétérogénéité caractérisant la plupart des pays où domine la sphère informelle traduit ainsi la discrimination vis-à-vis de l’accès au crédit, au foncier et explique la faible productivité globale. En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l’analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place c’est-à-dire des instituons et en Algérie, l’extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l’économie et le citoyen mais en s’autonomisant en tant que pouvoir bureaucratique.

Dans ce cadre, il serait intéressant que les sociologues analysent les tendances et des mécanismes de structuration et restructuration de la société et notamment des zones urbaines, sub -urbaines et rurales face à la réalité économique et sociale des initiatives informelles qui émergent impulsant une forme de régulation sociale. Cela permettrait de comprendre que face aux difficultés quotidiennes, le dynamisme de la population s’exprime dans le développement des initiatives économiques informelles pour survivre, ou améliorer le bien-être, surtout en période de crise notamment pour l’insertion sociale et professionnelle de ceux qui sont exclus des circuits traditionnels de l’économie publique ou de la sphère de l’entreprise privée.

Ainsi, on retrouve les deux éléments fondamentaux de l’origine de cette sphère ; la délivrance ou pas des titres de propriété et la confiance ou la méfiance sur lesquels sont basés l’Etat de droit et la construction d’une véritable économie de marché concurrentielle, en précisant que l’Etat de droit comme le démontre les expériences historiques ne recoupe durant une période de transition forcément la démocratie, cette dernière étant le but suprême. Ce qui m’amène à la deuxième question.

2 –Deuxièmement, quelle est l’évolution de la sphère informelle en Algérie ?

Nous avons deux périodes, la première pouvant aller jusqu’en 1986/1987 avec la gestion administrative centralisée qui avait consacré le système de l’État- providence prônant le plein emploi par le moyen de sureffectifs dans les entreprises publiques et les administrations pour acheter, du moins temporairement, la paix sociale, date de la crise où les recettes des hydrocarbures se sont effondrés ayant assisté sous la pression des évènements extérieurs à des réformes timides et la période de 1986 à nos jours avec le point culminant de 1994 date du rééchelonnement et de l’ajustement structurel , étant toujours dans cette interminable transition ni économie de marché concurrentielle, ni économie administrée expliquant d’ailleurs les difficultés de l régulation politique, sociale et économique.

Durant la première période l’Etat fixe les prix, les salaires, le taux d’intérêt, le taux de change d’une manière administrative Pour preuve on distribue des bénéfices même aux unités déficitaires et nous avons un quasi monopole sur toutes les activités . Encore qu’avec l’envolée des prix du pétrole ces dernières années, la tentation est grande sous la pression populiste de revenir à l’ancienne période, ce qui serait suicidaire pour l’avenir du pays, montrant d’ailleurs qu’il y a un lien inversement proportionnel entre l’avancée des réformes et l’évolution du cours des hydrocarbures, réformes ralenties paradoxalement lors que le cours est en hausse alors que cela devrait être le contraire si l’on veut préparer l’ère hors hydrocarbures. Comme conséquence des politiques de cette période et cela n’est pas propre à l’Algérie, les pays de l’ex camp communiste ayant connu le même phénomène, nous assistons à l’extension de la sphère informelle où nous avons le prix fixé par l’Etat bas dont bénéficient une minorité qui devant également la rareté de l’offre, nous trouvons ces mêmes marchandises sur le marché parallèle au prix du marché, donnant des rentes de situation à une frange de monopoleurs issus du secteur d’Etat. Sur le plan externe les trafics aux frontières profitent de cette distorsion de prix et également sur le marché de la devise, pénalisant en dernier lieu le budget de l’Etat algérien. Pour la secondé période non achevée, les entreprises publiques subissent des “plans sociaux’’ qui se traduisent par des dégraissages massifs, et l’enjeu à l’avenir qui sera plus douloureux est l’ajustement social de la fonction publique, les salaires des fonctionnaires devant coûter au Trésor public 1.500 milliards de dinars en 2010 avec un effectif dépassant 1,6 millions contre environ 500.000 travailleurs dan le secteur public économique.

Cette période est caractérisée par une la libération des prix et la levée du monopole de l’Etat sur le commerce extérieur qui expliquent pour beaucoup les changements qui ont lieu dans l’économie informelle, changements sans la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation dans la mesure où en économie de marché la fonction de l’Etat régulateur est stratégique.

Ce qui explique que l’ouverture anarchique avec une tendance du passage d’un monopole d’Etat à un monopole privé beaucoup plus néfaste, a donné lieu à de nouvelles pratiques informelles. Avec la consécration de la convertibilité commerciale du dinar en 1994, les sociétés d’import-export ont ainsi commencé à connaître une prolifération, la majeure partie de ces sociétés ayant été créées soit par des détenteurs de capitaux ou par d’anciens cadres du secteur public en quête de placements à gains à très court terme. Faute d’institutions solides s’adaptant à la nouvelle situation, car le contrôle s’avère de peu d’efficacité (sinon il faudrait une armée de contrôleurs avec des coûts faramineux), nous assistons à une multiplication des petites activités informelles se concentrant surtout dans le petit commerce et les services, comme mode de survie dans un marché de l’emploi en crise. A cet aspect, se sont greffés la fraude fiscale, corruption et les détournements des fonds publics.

3- Troisièmement, quel est le poids de la sphère informelle et ses répercussions sur l’évasion fiscale et le niveau de corruption ?

En matière d’emploi, la part qui revient à l’économie informelle, d’après le bilan du CNES établi pour l’année 2004, est de 17 % de l’emploi total, soit quelque 1 300 000 personnes. Sur ce chiffre, l’activité commerciale non déclarée représentant 35% et le taux de la population exerçant dans le secteur informel s’accroît annuellement d’environ 8%, selon la même source ce qui nous donnerait en 2009 le taux annoncé récemment par le Ministère du travail plus de 25% de la population active avec une contribution dans la formation du PIB (produit intérieur brut) hors hydrocarbures de 20 à 25%. Une enquête menée par le CREAD (Centre de recherche en économie appliquée pour le développement) révèle que sur 7500 PME, 42% des effectifs ne sont pas déclarés et 30% de leur chiffre d’affaires échappent au fisc. Concernant justement l’évasion fiscale due à la sphère informelle il y a plusieurs estimations contradictoires.

Pour le DG des impôts en 2008 la dette fiscale dépasserait largement les 600 milliards de dinars, une partie étant déclarée irrécouvrable estimée à 70 milliards de dinars. Pour l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA,dans une déclaration du 19 mai 2009 reproduite par l’agence officielle APS, le manque à gagner induit par l’évasion fiscale dans les transactions commerciales en Algérie dépasse 200 milliards de dinars annuellement, soit au cours actuel soit 2,6 milliards de dollars différence de taille. L’UGCAA précise que 80% des transactions commerciales se font sans aucune facturation, alors que 70 à 80% des transactions utilisent le « cash », comme moyen de payement. Et que près de 900 000 sur les 1,2 million de commerçants inscrits au CNRC ne payent pas leurs cotisations à la Casnos et que l’approvisionnement des 2/3 de la population provient de la sphère informelle. A travers l’ensemble du territoire national, toujours selon cette institution, il y a environ 1,25 million de commerçants qui exercent dans la sphère légale et le nombre est dépassé par celui de ceux qui travaillent dans la sphère informelle, estimé à prés 1.5 million, plus de 50% du marché algérien serait occupé par le secteur informel et plus de la moitié du chiffre d’affaires des activités commerciales échapperait au Trésor public.

En ce qui concerne les liens entre la sphère informelle et la corruption, les chiffres en Algérie, faute d’enquêtes précises, sont les plus contradictoires, cette sphère contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation hors banques ,avec une intermédiation financière informelle limitant la politique monétaire globale de l’Etat, mais beaucoup plus si l’on inclut les transactions en nature alors que les expériences notamment en Asie montrent que le développement du micro crédit, bien ciblé, permettrait de limiter la sphère informelle notamment productive qui il faut le reconnaître joue actuellement en Algérie avec la cellule familiale et des redis butions fictives de la rente par le Ministère de la solidarité , la fonction de tampon social. Cela a un lien avec la corruption. Ainsi, l’organisation internationale Transparency International dans son indice de perceptions de la corruption donnant chaque année une estimation par pays de l’étendue du phénomène de la corruption, vient de faire paraître le 17 novembre 2009 son rapport annuel 2009 classant , l’Algérie étant classée à la 111ème place sur 180 pays. L’on sait que les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un « haut niveau de corruption au sein des institutions de l’Etat » et que des affaires saines induisant un développement durable peut avoir difficilement lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives.

L’ Algérie chute de 3,2 à 2,8 sur 10 et de la 92ème place en 2008 à la 111ème en 2009, perdant 20 places la ramenant à l’année 2005. L’Algérie obtient et ce, pour la 7e année consécutive, une très mauvaise note — 3,2 sur 10, et un très mauvais classement, la 92ème place en 2008, en 2007 elle avait 3 sur 10, et la 99 ème place. En 2006 : 3,1 sur 10 et 84ème place (sur 163 pays) ; en 2005 : 2,8 et 97ème place (sur 159 pays) ; en 2004 : 2,7 et 97ème place (146 pays) ; en 2003 : 2,6 et 88ème place sur 133 pays. Le Président de la République lors de l’année judiciaire le 28 octobre 2009 se donne pour objectif de combattre la corruption, la bureaucratie dévalorisant le couple intelligence/ travail sur le quel doit reposer tout développement fiable et donc d’asseoir un Etat de droit.

Ce rêve si cher à tous les Algériens sera t-il réalisé ? Car, il ne s’agit pas de créer des commissions sans lendemain puisque l’Algérie avait déjà un observatoire de lutte contre la corruption sous la présidence de Liamine ZEROUAL qui n’a jamais fonctionné et se pose la question quel est le rôle de la Cour des Comptes institution dépendant de la Présidence de la République selon la Constitution , de l’Inspection Générale des Finances, des commissions parlementaires et surtout l’implication de la société civile. Aussi s’agit-il de s’attaquer à l’essence de ce mal qui ronge le corps social. C’est que la lutte contre la mauvaise gestion et cette corruption qui se généralise tendant à être socialisée, implique avant tout une moralisation de la pratique des structures de l’Etat eux mêmes au plus haut niveau, niveau de dépenses en contradiction avec les pratiques sociales malgré des discours moralisateurs, avec cette montée de la paupérisation qui crée une névrose collective. Car c’est seulement quand l’Etat est droit est qu’il peut devenir un Etat de droit Quant à l’Etat de droit, ce n’est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d’une certaine philosophie du droit d’une part, d’autre part par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d’une vision future de ses perspectives. Ce qui m’amène à traiter des liens avec les politiques économiques.

4– Quatrièmement la sphère informelle et la politique socio-économique ?

Dans ce cadre, la sphère informelle peut être produite également par l’instabilité juridique et du manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs qu’ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long terme (investissement inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l’importation solution de facilité). Or ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d’origine et orienter les nationaux vers la sphère informelle.

Exemple, le passage du remboc au crédoc( crédit documentaire) contenu dans la loi de fiances complémentaire 2009 qui implique de posséder des fonds importants entraînera à l’avenir une concentration des activités commerciales au profit de gros détenteurs de capitaux et d’autre part pour les PMI/PME ayant une surface financière réduite, ainsi que certaines augmentations de salaires ou des pressions fiscales selon l’adage l’impôt tue l’impôt, qu’elles ne pourront pas supporter, risquent d’aller vers la sphère informelle.

Autre exemple, conséquence de la nouvelle mesure de la suppression du crédit à la consommation,touchant surtout les couches moyennes utiles en voie de paupérisation au profit de ouches moyennes rentières gravitant au niveau de la sphère du pouvoir, de plus en plus de ménages algériens recoureront au crédit informel face à leur endettement croissant en donnant des chèques différés auprès des fournisseurs mais à des taux d’intérêts composés plus élevés que ceux pratiqués par le système bancaire actuel ou simplement iront à la bourse informelle à des taux d’usure. Que nos responsables visitent les sites où dominent l’informel de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l’on peut lever des milliards de centimes à des taux d’usure mais avec des hypothèques car existe une intermédiation financière informelle. Et comme l’a rappelé avec justesse un des plus grand économiste du XXème siècle Joseph Schumpeter dans son important ouvrage traduit en plus de 10 langues, Socialisme, Capitalisme et Démocratie, « les deux fondamentaux de l’économie moderne reposent sur le contrat et le crédit ». Le gouvernement ne peut empêcher cette pratique qui est légale puisque existera un contrat entre le vendeur et l’emprunteur dans les règles de l’art.

Car, les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l’effet inverse car lorsqu’un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale pour avoir l’adhésion, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat libre entre les citoyens , s’éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer : exemple les transactions aux niveaux des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales , agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. Tout management stratégique doit donc cibler l’essentiel et non s’attarder au secondaire.

L’insolvabilité des ménages avec la crise des prêts hypothécaires est une des causes de la crise mondiale actuelle ayant reposé sur l’immobilier et non sur les crédits à la consommation ce qui risque de se passer en Algérie, problème soulevé lors d’un rencontre récente d’experts et de dirigeants de banques animée par le quotidien El Moudjahid. Et les dernières statistiques de novembre 2009 où le montant des importations risquent de prendre la même ampleur qu’en 2008 à 2 milliards de dollars près (entre 38/40 milliards de dollars) malgré une récolte exceptionnelle due essentiellement à la bonne pluviométrie, montrent clairement que les derrières mesures gouvernementales n’ont pas eu les effets escomptés car l’essence de l’augmentation des importations est due à la dépense publique non maîtrisée.

5.- Sphère informelle et dérapage du dinar

Cinquièmement, il convient d’analyser les liens entre la sphère informelle et la cotation du dinar sur le marché parallèle. On ne peut isoler la sphère réelle de la sphère monétaire. La cotation du dinar sur le marché parallèle n’est que le reflet de l’Etat dualiste de la sphère économique. Le cours du dinar sur le marché parallèle en ce mois de décembre 2009 dépasse 120 dinars un euro dont avec la crise mondiale l’épargne de l’émigration ayant été affectée (diminution de l’offre) n’explique pas tout, l’explication essentielle étant le grossissement de la sphère informelle (accroissement également de la demande). Pour rappel nous avons le paradoxe des réserves de change de plus de 144 milliards de dollars fin 2009 presque équivalentes au produit intérieur brut. Par ailleurs en neuf mois, la monnaie nationale a perdu près de 25% de sa valeur face à l’euro et 15% par rapport au dollar, ce qui constitue une anomalie de la politique de la banque centrale d’Algérie car sur le marché boursier, ces deux monnaies n’évoluent pas dans le même sens.

L’Algérie produit presque toutes ses richesses en dollars : 98% des recettes du pays sont issues des exportations d’hydrocarbures et importe plus de 60% en euros le cours approchant actuellement 1,50 dollar un euro. À cela s’ajoute le fait que sur les 144 milliards de dollars de réserves de changes, une grande fraction est libellée en dollars dont plus 44 milliards de dollars placés en bons de trésor américain alors que le taux directeur de la FED approche zéro, idem pour les autres banques centrales. Comme conséquence où tout se traite en cash alors que dans les pays développés au-delà de 100 dollars est exigé la carte de crédit afin d‘éviter l’évasion fiscale, D’ailleurs cela pose un problème fondamental non tranché par les spécialistes, le dinar par rapport aux monnaies clefs est-il en équilibre, l’explication que sa cotation étant liée au cours du pétrole ne tenant pas, pour preuve au moment où le cours dépassait 140 dollars, il n’y a pas eu de réévaluation. D’où avec ce dérapage du dinar l’impact de la sphère informelle sur le pouvoir d’achat des Algériens.

Car, le constat est donc amer, pour les petites bourses, en l’absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent des augmentations continues , les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d’impacts, prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, comme il y a lieu de dénoncer ce mythe entretenu en Algérie que l’inflation est d’origine salariale alors que l’essence est l’accroissement démesuré des dépenses improductives de l’Etat. Même la déflation au niveau mondial (baisse des prix) n’a pas profité ni aux consommateurs ni aux producteurs algériens à cause de la dévaluation du dinar évoquée précédemment et on ne peut invoquer l’inflation importée. Un grand nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur (agriculture et industries tant pour la production locale que pour les importations) prend des marges non proportionnelles aux services rendus ce qui fait que le contrôle sur le détaillant ne s’attaque pas à l’essentiel. Or, la sphère informelle contrôle quatre segments-clefs : celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l’importation, le textile – chaussures. Avec la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité car il s’agit d’analyser les liens entre l’accumulation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie, l’enquête de septembre 2007 du CNAEP montre que 70% des revenus vont aux besoins essentiels ; mais avec l’inflation de retour depuis fin 2006 (4/4,5% entre 2007/2008, plus de 5,7% en 2009 selon l’officiel et selon nos enquêtes par échantillonnage entre 2008/2009 et certainement pour 2010 , 80% du revenu moyen des ménages s’adressent à cette sphère donc la renforçant.

L’inflation étant par définition source de concentration du revenus au profit des revenus variables, dont un grand segment est la sphère informelle, si l’on maintient ce mode de gestion, le risque entre 2010/2013 , avec les dépenses improductives sera à la fois la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité avec une concentration excessive au profit d’une minorité rentière et l’extension de la sphère in formelle. Pour preuve il n’existe pas de corrélation entre les dépenses publiques 200 milliards de dollars entre 2004/2009 et le taux de croissance inférieur à 3% pour cette période montrant un gaspillage des ressources rares car ces dépenses auraient du occasionner un taux de croissance supérieur à 7/8%, s’agissant d’éviter de vendre des illusions de 5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures car plus de 80% de ces segments sont irrigués par la dépense publique via la rente des hydrocarbures ( secteur privé et public) ne restant que 20% d’entreprises véritables créatrices de richesses.

6 – Sixièmement, poser les liens entre la sphère informelle et la gouvernance

La construction d’un Etat de Droit est inséparable de l’instauration d’une véritable économie de marché reposant sur l’entreprise créatrice de richesses ce, afin de pouvoir favoriser une saine concurrence et attirer les flux d’investissement nécessaires pour une croissance. Elle est le produit de la bureaucratie dominante en Algérie favorisant ainsi la corruption.

Car il ne suffit pas de crier sur les toits que cette sphère ne paye pas les impôts. Il faut expliquer les raisons de son existence et de son extension et surtout les actions à mener pour son intégration, dans la mesure où la sphère informelle n’est pas le produit historique du hasard mais trouve son essence dans les dysfonctionnements des institutions de l’Etat.

Les ex pays du camp communiste ont connu l’ampleur de cette sphère informelle et ont réussi à l’éradiquer grâce aux réformes. Et l’Italie a su également l’intégrer rapidement depuis qu’elle est membre actif de l’Europe. Aussi, les obstacles ou la rapidité de la construction d’un Etat de droit et d’une véritable économie de marché concurrentielle qui fait que cette sphère diminue ou s’étend. Cela pose d’ailleurs la problématique de la construction de l’Etat et ses nouvelles missions en économie de marché. C’est faute d’une compréhension l’insérant dans le cadre de la dynamique sociale et historique que certains la taxent de tous les maux, paradoxalement par ceux mêmes qui permettent son extension en freinant les réformes. Pourtant cette sphère représente la majorité des activités si l’on excepte le cas spécifique en Algérie du secteur des hydrocarbures.

Cela ne concerne pas uniquement les catégories économiques mais d’autres segments difficilement quantifiables. Ainsi, la rumeur est le système d’information informel par excellence, accentué en Algérie par la tradition de la voie orale, rumeur qui peut être destructrice mais n’étant que la traduction de la faiblesse de la démocratisation du système économique et politique, donnant d’ailleurs du pouvoir à ceux qui contrôlent l’information. L’utilisation de divers actes administratifs de l’Etat à des prix administrés du fait des relations de clientèles transitent également par ce marché grâce au poids de la bureaucratie qui trouve sa puissance par l’extension de cette sphère informelle.

Cela pose d’ailleurs la problématique des subventions qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisées (parce généralisables à toutes les couches) rendant opaques la gestion de certaines entreprises publiques et nécessitant à l’avenir que ces subventions soient prises en charges non plus par les entreprises mais budgétisées au niveau du Gouvernement après l’aval de l’APN, pour plus de transparence et une bonne gouvernance. Le cas de Sonelgaz est un exemple patent. Car, toute analyse objective de la sphère informelle doit partir d’une analyse globale car les différents segments de la sphère réelle et informelle entretiennent des relations diffuses et complexes et il serait utopique de l’autonomiser.

Cette situation menace le fondement de l’Etat lui-même, posant toute la problématique de la sécurité nationale, car existe une corrélation entre l’extension de la sphère informelle et le divorce Etat/citoyens, alors que son intégration intelligente selon une vision cohérente, sa légalisation au moyen de la délivrance facile des titres de propriété, du registre du commerce devient urgente. Car ces entrepreneurs sont acquis par définition à l’économie de marché puisque pratiquant ses règles qui sont la satisfaction d’une demande solvable. Le défi donc de l’Algérie pour intégrer cette sphère informelle est le passage d’une économie de rente à une économie productive y compris les services qui ont un caractère de plus en plus marchand.

Pour cela il y a lieu de tenir compte des deux fondamentaux du développement du XXIème siècle , la valorisation du savoir et une gouvernance rénovée dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux, étant utopique de revenir aux années 1970 d’un développement reposant sur le Tout Etat. Gouverner étant de prévoir, les défis qui attendent l’Algérie sont immenses du fait de l’important retard accusé dans les réformes se réfugiant dans le court terme par des dépenses monétaires colossales, sans se préoccuper de la bonne gestion, assurant une paix sociale fictive, dépenses dues non au travail et à l’intelligence mais grâce à cette ressource non renouvelable que sont les hydrocarbures. L’Algérie selon les scénarios les plus optimistes tendra vers l’épuisement des hydrocarbures dans 20/25 ans et le scénario pessimiste 16 ans et surtout les prévisions pessimistes de l’AIE d u début décembre 2009 d’une chute du prix de cession du gaz pendant au moins 4/5 ans du fait d’une surproduction, représentant pour l’Algérie 1/3 de ses recettes.

Or, 2025/2030 c’est demain. L’Algérie a déjà 47 années d’indépendance politique. Donc cela passe par les réformes- dont la base philosophique est la liberté d’entreprendre loin de toutes entraves bureaucratiques et la Démocratie- démocratie politique, économique, sociale et culturelle étant solidaires. Donc l’intégration de la sphère informelle passe par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et les hommes chargés par la Nation de la faire car la gouvernance est une question d’intelligence et de légitimité réelle et non fictive, impliquant la refondation de l’Etat algérien, pour une société participative et citoyenne tenant compte de notre anthropologie culturelle.

DOCTEUR ABDERRAHMANE MEBTOUL


Ce texte de synthèse pour la presse, devant faire l’objet d’une contribution internationale par de plus amples développements, pour toute reproduction citer le nom de l’auteur et la source.

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