Un Algérien et un Français distingués par le prix Maurice-Audin de mathématiques à Paris

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Deux mathématiciens, l’Algérien Boumediene Abdellaoui et le Français Emmanuel Trélat ont été distingués par le prix Maurice-Audin de mathématiques 2010, lors d’une cérémonie organisée mardi à la mairie de Paris. Boumediene Abdellaoui, âgé de 35 ans, maître de conférences à l’université de Tlemcen et Emmanuel Trélat, 36 ans, professeur à l’Université d’Orléans qui œuvre en coopération avec l’université de Tizi-Ouzou, récompensés pour la qualité de leurs travaux, ont dans un exposé succinct présenté les grands axes de leurs recherches en mathématiques. Ils se sont déclarés « très honorés » par cette distinction qui porte le nom d’un homme « épris de liberté et de justice, qui a sacrifié sa vie pour que l’Algérie recouvre son indépendance ».

Ce prix est décerné depuis 2004 par l’association éponyme établie en France pour honorer, une fois par an, deux mathématiciens des deux rives de la Méditerranée. L’objectif visé par l’association éponyme est de favoriser les échanges entre les universitaires des deux pays et d’offrir l’opportunité aux lauréats de présenter et faire connaître leurs travaux scientifiques. Il vise aussi à tenir en éveil la communauté mathématique sur l’affaire Audin et de créer un événement ayant un écho dans l’opinion publique.

Sous sa nouvelle forme, le prix a été créé sous le patronage de la Société de mathématiques appliquées et industrielles (SMAI) et de la Société mathématique de France (SMF). Les fonds nécessaires au financement du prix sont couverts chaque année par une souscription privée ouverte auprès des membres de la communauté mathématique et de la société civile.

Ce prix a été décerné pour la première fois en 1958. A l’époque, les lauréats étaient de jeunes mathématiciens qui deviendront célèbres, tels que : J.-L. Lions, J.-P. Kahane, A. Néron, et M. Lazard. En 1963, la guerre de libération ayant déjà pris fin, le prix disparaît. L’idée d’une relance est née en 2004 lors d’une réunion à la mairie de Paris, du comité de parrainage d’une rue Maurice-Audin dans la capitale française.

Laurent Schwartz et Gérard Tronel, deux mathématiciens, lancèrent cette idée lors de la réunion qui fut favorablement accueillie. Pour Gérard Tronel, l’idée était de faire reparler de l’affaire Audin. Le 10 juin 1957, en pleine bataille d’Alger, Maurice Audin, jeune assistant de mathématiques à l’université d’Alger, fervent militant de la cause algérienne, est arraché à son foyer le 11 juin 1957, par les parachutistes du général Massu.

Arrêté torturé, il meurt « accidentellement » sous la torture mais les autorités militaires de la France coloniale ont accrédité la thèse de l’évasion vers le 21 juin 1957. Plus tard c’est cette date qui a été retenu pour établir un acte de décès de Maurice Audin. Dès juillet 1957, alertés par Josette Audin, son épouse, des intellectuels français connus ont créé le comité Audin dont l’objectif était de rechercher la vérité sur la mort du mathématicien.

Pour Gérard Tronel, l’animateur de l’Association Maurice-Audin, présent à la cérémonie, à laquelle ont pris part Mme Josette Audin et de nombreux historiens dont Henri Alleg et d’universitaires, cette initiative est une « action pour la mémoire et pour dire que nous ne lâcherons jamais sur cette exigence de vérité, que le temps est très long pour faire la lumière sur l’assassinat de Maurice Audin et que nous saisirons toutes les occasions pour le dire ». « Nous demandons que les autorités politiques, civils et militaires de notre pays reconnaissent que Maurice Audin est mort après avoir été torturé, que sa mort est un crime couvert par une raison d’Etat », a-t-il dit.

« Au-delà des exécutants, les autorités civiles et militaires qui ont couvert ce forfait portent une lourde responsabilité qu’elles devraient reconnaître », a estimé M. Tronel, rappelant que la famille de Maurice Audin et l’association éponyme demandent la reconnaissance de son décès et de la responsabilité des différentes autorités impliquées. Pour poursuivre ses objectifs, l’association a besoin d’aide, a-t-il dit, et recherche des témoins présents lors de la bataille d’Alger, notamment au mois de juin 1957.

APS

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