A Khadra, à Bouteflika : deux questions sans réponses par Kamel Daoud

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Daoud

 

Deux questions : Yasmina Khadra a-t-il démissionné de son poste de directeur du CCA pour faire campagne et se proposer comme solution à l’Algérie ? Question d’éthique : on ne peut pas cracher sur la généalogie et manger la récolte selon le proverbe. Les Algériens se posent la question et suivent, parfois, avec amusement ce candidat qui parle de ses livres comme si tout les Algériens étaient lecteurs, connaissaient Khadra et ses titres. Manie du narcissisme quand il ne fait pas différence entre technique de campagnes politiques et vente-dédicace.

L’autre question : est-ce que Bouteflika va vraiment, sérieusement, réellement, se présenter à un quatrième mandat ? La question, ce ne sont pas les élites qui se la posent seulement dans leurs immenses et amples analyses, mais ce bon peuple conservateur qui va voter en dernier, après Allah, l’armée, les réseaux, l’ONM, l’UGTA et la France et les autres. C’est que les Algériens du pays profond se posent vraiment la question avec perplexité : comment cet homme malade, vieux et à moitié immobile va-t-il gouverner un pays jeune, vif, difficile et cerné de tout part par le chaos ou les ogres ?

Et là, il est intéressant d’écouter les cafés et les villages : ils ont les mêmes analyses que la haute stratégie. La première théorie, la plus à la mode, est celle de l’homme qui sert de vitrine à un clan, qui veut le pousser dans le dos et sur la chaise qui roule pour s’en servir. On a parlé même d’abus de faiblesse sur personne âgé. Les Algériens, certains, beaucoup, croient désormais à la théorie du complot familial : cet homme serait victime des siens qui s’en servent comme magasin d’alimentation générale. C’est la seule explication, dit le peuple de la tasse du café. On ne peut pas comprendre qu’à son âge, il ait une ambition aussi dévorante. Cela est vu comme impossible. Incompréhensible. Monstrueux même. Indécent. Et cela fait grimacer quand vous posez la question aux vieux du village : pourquoi cet homme ne choisi pas de sortir pas la grande porte, s’acheter un charm Echeikh à lui seul et aux siens, mâcher quelques milliards et se rapprocher de Dieu ou de la vérité dans la quiétude et la brise du matin ? C’est qu’à la fois, dans le pays des vieux et des villages, Bouteflika est désormais perçu comme facteur de stabilité face à l’inconnu mais aussi comme preuve d’instabilité et de risques malgré la propagande : Allah votera tôt ou tard et cela sera mauvais pour ce pays de dépendre d’un médicament et pas des siens. Le cas de Bouteflika et de son ambition démesurée provoque la grimace comme dit plus haut, l’inquiétude, la perplexité et la peur. « Que Dieu nous préserve » disent les villages, coincés entre l’inconnu et l’inexplicable. Et Même si le bonhomme et les siens jettent les milliards, intoxiquent les têtes, matraquent des bilans et achètent des serfs et des zélés, cela ne changera : Bouteflika inquiète. On pressent, confusément, que le pays passe après son ambition ou les intérêts des siens. Les élites opposantes le savaient, les vieux compagnons de cet homme le répétaient, mais aujourd’hui, c’est l’Algérie profonde qui le devienne : mêmes quand on vous ferme la bouche en la remplissant, parfois, parfois seulement, les yeux reste encore ouverts. On l’espère du moins. Car, contrairement à Khadra, l’Algérie à toutes les œufs dans le même panier et si elle perd, elle perd aussi son salaire et sa terre et sa paix et son indépendance.

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