Kamal Benkoussa : investir dans la jeunesse, challenge d’une Algerie forte!

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    A l’occasion du 58e anniversaire de la Révolution de l’Algérie, Kamal Benkoussa, économiste et financier À Londres, revient sur la situation économique du pays. Comment se porte l’Algérie 50 ans après l’obtention de l’indépendance algérienne, quels changements doit-elle opérer. Après la Révolution politique, la Révolution économique est-elle nécessaire ?

    En tant qu’expert en économie, pensez-vous que l’Algérie est réellement un pays Indépendant ?

    L’Algérie, à regarder les chiffres d’importation et d’exportation, est clairement un  pays sous dépendance : dépendance énergétique, dans les exportations d’hydrocarbures, et dépendance de ses importations de produits de première nécessité. Aujourd’hui 78 % des importations de l’Algérie sont des produits manufacturés et les hydrocarbures représentent 98,6% de ses exportations. Comme vous pouvez le constater, l’Algérie est une économie totalement dépendante non seulement de ses hydrocarbures mais aussi de ses importations.

    50 ans après son Indépendance, les autorités algériennes affichent un taux de chômage inférieur à 10 % ? Pensez-vous que ce taux correspond réellement à la réalité socio-économique de l’Algérie ?

    Cette question pose deux problèmes : la méconnaissance du politique quant à la réalité des Algériens, et l’absence de statistiques transparentes et fiables qui permettraient d’établir un constat précis de l’état socio-économique de l’Algérie. On se focalise trop souvent sur le taux de chômage des plus de 25 ans alors que le taux de chômage des 16 à 24 ans est aujourd’hui des plus élevé en Algérie (21,16% statistiques du FMI). Un taux de chômage de 10 % me semble être en-deçà de la réalité actuelle.

    En 2012, l’Algérie dispose d’une manne financière qui atteint presque 200 milliards de dollars. Si vous deviez piloter la politique économique algérienne, quelles sont les orientations que vous auriez prises ? 

    L’Algérie doit avant tout clarifier et stabiliser sa fiscalité afin d’attirer les investissements étrangers. Entre 2007 et 2012, les chiffres du FMI indiquent que les investissements directs l’étranger (IDE) en pourcentage du PIB ont été divisés par plus de 4. Les conditions d’investissement en Algérie ne sont pas intéressantes pour les investisseurs étrangers. D’ailleurs le dernier rapport sur les conditions d’investissement dans le monde de la Banque Mondiale classe l’Algérie au 152ième rang sur un panel de 185 pays. De plus, il est nécessaire d’entreprendre une reforme profonde de nos institutions. Cela signifie une modernisation de notre administration qui la rendrait plus efficace mais surtout plus transparente. Cette mesure permettrait de faciliter et d’améliorer le quotidien de mes compatriotes Algériens. Il est important d’instaurer une confiance mutuelle entre l’Etat et le citoyen. La notion de responsabilité du politique vis-à-vis de ses administrés est aujourd’hui primordiale. A titre d’exemple, cela fait des années que le Forum des Chefs d’Entreprise (FCE) se plaint auprès du gouvernement du caractère coercitif du Conseil national de l’investissement. En effet, tout investissement de plus de 500 millions de dinars doit systématiquement attendre l’aval du CNI. Au lieu d’écouter les propositions faites par nos chefs d’entreprises (plus à même de comprendre les problématiques liées au monde de l’entreprise et de l’investissement), le gouvernement a préféré les ignorer. Il a fallu attendre mars 2012 pour que le ministre des PME reconnaisse qu’il fallait relever le plafond à 2 milliards de DA. Le modèle de fonctionnement de notre administration a montré ses limites et il représente aujourd’hui un frein  au développement économique de notre pays.

    Faut-il selon vous une nouvelle Révolution pour que l’Algérie rejoigne le club des pays développés et performants économiquement ?

    Je n’aime pas le mot révolution, je préfère parler d’évolution. Nous devons prendre l’Algérie telle qu’elle est aujourd’hui. En 50 ans d’indépendance le pays a tenté plusieurs reformes. Certaines ont bien fonctionné d’autres moins. En ces temps difficiles (crise mondiale) il est plus important de regarder de l’avant et d’offrir un projet de développement du pays aux Algériens et leur garantir de meilleures conditions de vie. Nous devons nous demander où allons-nous emmener l’Algérie dans les 5 à 10 prochaines années ? L’Algérie a les capacités de faire ce virage à 180°, pour devenir une puissance économique qui jouera un rôle important dans un grand Maghreb et en Afrique. Pour autant la volonté politique est primordiale.

    Quels sont, selon vous, les chantiers prioritaires auxquels les autorités Algériennes doivent s’attaquer pour doter le pays d’une économie moderne à même de créer de la croissance ?

    Ma priorité est la jeunesse. Un pays qui n’investit pas sur sa jeunesse se meurt chaque jour un peu plus. Elle représente son avenir et cela passe par une éducation de qualité. Il n’est pas normal qu’un jeune étudiant qui sort de l’université mette en moyenne 2 à 3 ans avant de trouver un emploi. La rigidité du marché de l’emploi est un problème et il s’impose d’y remédier en priorité. La santé est un autre grand chantier en Algérie. En dépit de la qualité de notre personnel hospitalier, nos hôpitaux sont aujourd’hui de véritables mouroirs. La liste des chantiers est longue. Je pourrais citer l’agriculture, l’Algérie a importé pour 1,6 milliard de dollars blé dur sur le premier semestre 2012. Cela pèse fortement sur ses coûts à l’importation. L’industrie lourde, la sidérurgie, les hautes technologies, la pétrochimie sont autant d’activités à développer en Algérie. Sans oublier le tourisme qui est encore sous-exploité. L’Algérie doit s’industrialiser pour enfin devenir indépendante.

    Propos recueillis par Amina Boumazza

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